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Dermatologie

Publié le 14 sep 2018Lecture 5 min

Dermatoscopie des nævus lors de la grossesse

E. Cinotti1, C. Monpeurt2, P. Rubegni1, B. Labeille3, F. Cambazard3, J.-L. Perrot3

Presque un tiers des femmes se plaignent de modifications de leurs lésions cutanées lors de la grossesse. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de nævus mais d’autres lésions cutanées. De nombreuses études ont étudié les caractéristiques dermatoscopiques des nævus lors de la grossesse, essayant d’identifier les éventuelles modifications physiologiques induites par cette dernière. Ces études nous montrent que la taille des nævus peut augmenter dans les zones soumises à une distension cutanée telles que la poitrine et l’abdomen.

Cependant, les résultats concernant les aspects dermatoscopiques spécifiques, tels que les caractéristiques du réseau pigmenté ou des globules, sont hétérogènes et à ce jour, la littérature ne permet pas d’identifier de manière univoque des modifications dermatoscopiques physiologiques induites par la grossesse. Par conséquent, lorsque l’on observe des changements dermatoscopiques, ils doivent être évalués avec les mêmes critères que ceux que l’on utilise pour les femmes en dehors de la grossesse.

On sait que la grossesse n’est pas un facteur de risque de mélanome. Cependant, lors de la grossesse, le mélanome est la tumeur la plus fréquente et la plus meurtrière(1). Le diagnostic précoce reste la condition principale pour réduire sa mortalité. Pourtant, le diagnostic différentiel avec le mélanome peut être difficile du fait des possibles modifications des nævus associées à la grossesse. Plusieurs articles décrivent les changements des nævus lors de la grossesse, mais la plupart sont basés sur des changements rapportés par des patientes et pas de manière objective par des dermatologues. Dans une étude de Foucar et coll.(2), plus de 30 % des patientes rapportaient des changements de leurs lésions cutanées lors de leur grossesse. Cependant, quand ces patientes étaient évaluées, la majorité des lésions qui évoluaient n’étaient pas des nævus, mais plutôt des lentigos solaires et des dermatofibromes. Les lésions cliniquement plus atypiques qui ont été biopsiées ne présentaient pas d’atypie histologique. Dans les dernières années, plusieurs études ont essayé d’évaluer les changements physiologiques des nævus lors de la grossesse avec l’aide de la dermatoscopie. Changement de taille En cas d’augmentation de taille d’une lésion cutanée lors de la grossesse, il faut tout d’abord considérer la localisation des nævus. Les études qui signalent une augmentation de taille indiquent que celle-ci concernait surtout les nævus de la partie antérieure du corps (visage, poitrine, abdomen et jambes) qui est soumise à une distension cutanée majeure à cause de la présence du fœtus, de la stimulation hormonale et de l’accumulation de liquide(3). Les études qui évaluent les nævus dans des zones non soumises à la distension cutanée induite par la grossesse (dos) ne montrent pas de changement de taille significatif en cours de grossesse(4). Changement de couleur Sur cet aspect, la littérature nous donne des données différentes. Zampino et coll.(5) montrent une diminution de la pigmentation globale des lésions, alors que Gunduz et coll.(6) décrivent une augmentation de la pigmentation des globules. Les auteurs de la première étude supposent que la diminution de la pigmentation est induite par une diminution de l’exposition au soleil lors de la grossesse. Une étude réalisée en utilisant la spectrophotométrie in vivo, technique qui permet d’évaluer la couleur de manière précise, n’indique pas de différences statistiquement significatives de changement de couleur entre un groupe de femmes enceintes et un groupe témoin de femmes nullipares(7). Caractéristiques dermatoscopiques En ce qui concerne les détails des caractéristiques dermatoscopiques, la littérature donne là aussi, des résultats contradictoires, comme pour la couleur. Certaines études montrent un épaississement du réseau pigmenté(6,8), tandis que d’autres montrent une diminution de l’épaisseur du réseau(5). D’autres analyses indiquent une augmentation du nombre et de la taille des globules(6,8), en particulier, dans la partie périphérique des nævus ; on suppose que l’apparition de ces globules périphériques est liée à une tension cutanée majeure qui détermine la montée en surface de thèques næviques(5). Zampino et coll.(5) montrent aussi une augmentation du nombre de vaisseaux dans les nævus avec une normalisation 6 mois après la grossesse. Cet aspect peut être lié à une vasodilatation périphérique lors de la grossesse. Il faut considérer que la comparaison des images dermatoscopiques faite par les der ma tologues peut amener à une évaluation subjective. Une seule étude évalue de manière objective les modifications dermatoscopiques des nævus lors de la grossesse par analyse dermatoscopique digitale (digital dermoscopy analysis, DDA), en comparant leurs caractéristiques au moment du diagnostic de la grossesse, avant l’accouchement (3840e semaines) et un an après l’accouchement(8). Cette étude excluait les nævus localisés sur l’abdomen, la poitrine et en région acrale à cause de leur possible modification induite par l’augmentation de la tension cutanée. L’analyse multivariée montrait une différence en contraste des nævus entre le début et la fin de la grossesse, ce qui correspondait à un épaississement du réseau et un assombrissement des globules. Cette différence correspondait à une altération transitoire et retournait à la normale un an après l’accouchement. De plus, cette analyse montrait une augmentation de l’entropie, ce qui correspondait à un patron en réseau moins organisé et des globules moins homogènes en taille et distribués de manière plus chaotique. Cette augmentation de l’entropie persistait un an après l’accouchement. L’hétérogénéité des résultats des différentes études ne nous permet pas d’identifier de manière certaine des modifications physiologiques des nævus lors de la grossesse. Par ailleurs, il n’existe pas d’étude qui montre des caractéristiques spécifiques de mélanomes associées à la grossesse, et les critères dermatoscopiques de malignité restent les mêmes qu’en dehors de la grossesse (figures 1 et 2).     En conclusion, il est possible d’observer des changements dermatoscopiques des nævus lors de la grossesse. Il s’agit souvent de modifications transitoires qui disparaissent quelques mois après l’accouchement. Aucun changement ne doit être considéré comme physiologique et aucun changement n’est spécifique des mélanomes associés à la grossesse. Une augmentation de taille peut être normale dans certaines zones corporelles soumises à une distension cutanée, telles que la poitrine et l’abdomen. De futures études doivent encore être menées sur un grand nombre de patientes pour mieux évaluer les caractéristiques dermatoscopiques des nævus pendant la grossesse. À ce jour, si l’on observe des changements dermatoscopiques suspects de malignité pour une lésion cutanée, une exérèse est nécessaire. Les critères qui déterminent une telle exérèse lors de la grossesse doivent être les mêmes que pour les autres patientes et l’exérèse ne doit pas être retardée.

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