publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Infections, pathologies, maladies dans le cadre de la grossesse

Publié le 14 mai 2018Lecture 5 min

Foie et grossesse : actualités sur la cholestase gravidique

C. CHAU, Marseille

Pathologie hépatique rare, la cholestase gravidique bénéficie d’un traitement efficace et consensuel. Elle comporte un risque de mort in utero (1 à 2 %) sur lequel le traitement n’a pas d’impact et pose donc le problème de la prise en charge de la fin de la grossesse.

Épidémiologie La cholestase gravidique est une pathologie rare dont la prévalence varie de 0,1 % à 15,6 %. Elle est plus fréquente au Chili. En France, sa fréquence est de 0,2 à 0,7 %. La survenue de la cholestase est liée à la saison (hiver), à des facteurs nutritionnels tels que le déficit en sélénium (cofacteur des enzymes oxydatives hépatiques), à l’existence d’une hépatopathie (hépatite C, pancréatite, cirrhose biliaire primitive), aux facteurs hormonaux avec une prévalence supérieure en cas de grossesse obtenue par FIV (2,7 %), de gémellité (27 %), et des récidives lors des grossesses ultérieures ou de la prise d’estroprogestatifs par voie orale (70 %). Certains facteurs extrahépatiques peuvent déclencher la cholestase tels que l’infection urinaire ou une prise médicamenteuse (progestérone, amoxicilline*). Physiopathologie Il s’agit d’une pathologie de transport des sels biliaires qui s’accumulent dans le foie entraînant une augmentation de leur taux sanguin. Plusieurs facteurs interviennent dont une modification de la perméabilité de l’épithélium biliaire, une diminution de l’action de la pompe Na/K ATPase-dépendante, une production de composés cholestatiques et une modification des récepteurs aux acides biliaires. Sur le plan génétique, deux gènes peuvent être mutés : – le gène ABCB4 codant pour la protéine MDR3, transporteur hépatique, qui entraîne une modification du transport des phospholipides ; – le gène ABCB11 inhibant la pompe d’exportation des sels biliaires (BSEP). Cependant, ces mutations ne sont retrouvées que dans 15 à 17 % des cas. Leur recherche n’est donc pas justifiée sauf en cas de forme familiale, précoce et sévère. • Prévalence faible 0,2-0,7 % • Facteurs hormonaux favorisants (estrogènes) • Pathologie du transport des acides biliaires (augmentation du taux sanguin) Diagnostic Il est fait sur l’association d’un prurit, d’une cytolyse hépatique et d’une augmentation des sels biliaires au-dessus de 10 µmol/l. • Diagnostic clinico-biologique • Prurit • Cytolyse et augmentation des sels biliaires Les risques maternels(1,2) La comparaison de formes de cholestase de sévérité variable ne montre pas d’augmentation des pertes sanguines ou du risque d’hémorragie du post-partum, quelle que soit la sévérité de celle-ci(1). Le traitement par acide ursodésoxycholique ne diminue pas le risque hémorragique(2). Elle prédispose à la survenue de lithiase vésiculaire (2,9-27,6 %) ou d’hépatopathie (fibrose, cirrhose)(3-5). • Pronostic maternel bon • Risque de récidive (70 %) • Prédisposition à la lithiase vésiculaire ou aux hépatopathies chroniques Le risque fœtal(6-9) L’ensemble des auteurs s’accordent à décrire un risque de complications fœtales ou néonatales plus élevé : – prématurité (19-60 %), – souffrance fœtale, détresse respiratoire (52 %) qui pourrait s’expliquer par la diminution du surfactant liée à l’augmentation des sels biliaires ou à une action directe de ceux-ci (taux supérieur dans le liquide de lavage bronchique des enfants avec détresse respiratoire), – liquide amniotique (LA) teinté (9 % vs 5 % au-delà de 37 SA), – mortalité néonatale (3 %), – le risque de MIU est de 1 à 2 %. Ce risque augmente avec l’âge gestationnel à partir de 36 SA (figure). • Complications fœtales et néonatales plus fréquentes • Risque de MIU 1-2 % • Le risque de complications augmente après 36 SA.   La prise en charge(2-6,8,10-14) Les facteurs pronostiques sont la précocité (avant 30 SA) et la sévérité de la cholestase (taux d’acides biliaires > 40 µmol/l), la présence d’un ictère, d’une bilirubinémie > 30 mmol/l, la persistance malgré le traitement de signes cliniques ou d’anomalies biologiques. Le traitement proposé doit donc être efficace sur la symptomatologie clinique et sur le taux d’acides biliaires. L’acide ursodésoxycholique est plus efficace que le placebo(2,11). L’amélioration clinico-biologique se fait en 1-2 semaines (diminution de 50 % des transaminases dans 77,9 % des cas et des acides biliaires dans 34,6 % des cas, normalisation du bilan biologique dans 39 % des cas)(4,5). Les paramètres biologiques prédictifs d’efficacité clinico-biologique du traitement sont le taux de transaminases (ALAT élevé > 175 UI/l) et un taux d’acides biliaires > 40 mmol/l(4,10). Le pronostic fœtal et néonatal(2,12) est également amélioré par le traitement (tableau). Le traitement versus placebo modifie le taux de prématurité (OR 0,46 ; IC95 % : 0,28-0,73), ne modifie pas de manière significative la fréquence du LA teinté (OR 0,56 ; IC95 % : 0,24-1,30).   OR ou différence de moyenne p Prématurité 0,56 (IC95 % 0,43-0,72) < 0,001 Souffrance fœtale 0,68 (IC95 % 0,49-0,94) 0,02 Apgar à 5 min 0,44 (IC95 % 0,24-0,82) 0,009 Hospitalisation USI 0,55 (IC95 % 0,35-0,87) < 0,05 Âge gestationnel Différence 0,44 (IC95 % 0,26-0,63) < 0,001 Poids de naissance Différence 0,21 (IC95 % 0,02-0,4) 0,03 Détresse respiratoire 0,33 (IC95 % 0, 13-0,86) 0,02 Efficacité de l’acide ursodésoxycholique sur le pronostic néonatal selon Kong et coll(12). Le traitement doit être prescrit à la dose de 10-15 mg/kg en 2 prises, et poursuivi jusqu’à l’accouchement (risque de rebond) (NP1)(3,4,7,11,12,14,15). En cas de diminution du TP, une supplémentation par de la vitamine K à raison de 5-10 mg/j est à envisager(11). Le suivi clinico-biologique peut être fait de manière hebdomadaire en cas d’amélioration. La surveillance monitorée et échographique est non spécifique. En cas de normalisation, la surveillance peut être poursuivie jusqu’à 39 SA. Un consensus de déclenchement entre 37 SA et 38 SA se dégage de la littérature(9,11,14-18) qui ne repose cependant pas sur des données de haut niveau de preuve. La revue de la Cochrane en 2016 ne retrouve pas plus de conséquences néonatales en cas de surveillance ou de déclenchement. Cette attitude active de déclenchement ne génère cependant pas plus de souffrance fœtale ou de césarienne(17,19). Une attitude attentiste n’augmente pas le risque d’anomalie du RCF en cours de travail mais augmente la fréquence du LA teinté et le taux d’admissions en unité de soins néonatals(2,15). En conclusion Il existe un consensus : – sur la définition clinico-biologique, – sur l’indication et les modalités thérapeutiques (NP1), – sur le déclenchement entre 37 et 38 SA avec un niveau de preuve faible ou insuffisant (EASL, HAS, SYNGOF, RCGO, ACG). Restent discutés : – les moyens de surveillance fœtale (RCF, échographie) qui sont non spécifiques (NP3), – la fréquence de réalisation du bilan biologique, – l’attitude attentiste jusqu’à 39 SA en cas de normalisation clinico-biologique.    

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 13

Vidéo sur le même thème