Publié le 28 avr 2025Lecture 5 min
Voyage et grossesse : compatibilité et précautions
Gabrielle Boga, d’après la communication du Dr Françoise Mehu-Parant, Toulouse – Dr Najeh Hcini, gynécologue-obstétricien à Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane)

Voyager ou pas, privilégier le train à l’avion, limiter les heures consécutives passées en voiture… chaque patiente va considérer sa propre balance bénéfice/risque entre son plaisir à partir en vacances et l’impact d’une annulation ou d’un report de ce voyage. Reste que la sage-femme va pouvoir apporter des informations et éléments objectivables pour permettre à la patiente de prendre la décision de partir… ou pas.
Les risques liés au transport aérien relèvent :
Du risque thrombo-embolique ou du « syndrome de la classe économique » pour des vols supérieurs à 4h. Dans le détail, la grossesse multiplie par 4 ou 5 la survenue d’une d’hypercoagulabilité physiologique, associée à une gêne au retour veineux par compression. Et ce en lien direct avec la position assise prolongée durant le vol. En post-partum, ce même risque est (en théorie) multiplié par 20.
De l’hypoxie, soit une diminution de la saturation en oxygène (pressurisation). Ainsi, la PA02 pour un vol long-courrier équivaut à celle obtenue à 2 000 mètres d’altitude. La grossesse induit une hypoxie maternelle modérée, sans qu’il y ait d’incidence sur le fœtus. Une pathologie maternelle respiratoire, vasculaire ou placentaire va, elle, engendrer un risque d’hypoxie fœtale.
De risques traumatiques en cas de chutes par exemple
De contraintes administratives : le certificat médical est propre à chaque compagnie aérienne. Pour une grossesse simple, ce certificat court pour les termes supérieurs à 36 SA, et 32 SA en ce qui concerne une grossesse multiple. D’où l’intérêt de bien prendre en compte le terme de la grossesse lors du trajet retour. Et de se renseigner auprès de la compagnie avec laquelle la patiente compte voyager. Par exemple, Air France ne prévoit pas de restriction et recommande d’éviter de voyager après 37 SA, pendant que sur American Air Lines, le voyage est possible jusqu’à 7 jours avant l’accouchement.
Dans l’avion, il est recommandé de se lever pour marcher toutes les 2 heures. De s’hydrater régulièrement en buvant ½ litre d’eau toutes les 3 heures, de porter des vêtements amples et des bas de contention, de procéder à une injection d’héparine de bas poids moléculaire en fonction des antécédents.
Les risques liés au transport maritime relèvent :
Du mal de mer et des vomissements gravidiques
Des risques épidémiques avec notamment les clusters Covid
Des contraintes administratives avec toujours cette question du certificat médical, sachant que les croisières sont interdites une fois le terme des 24 SA dépassé
Risque thromboembolique, contraception, vaccination anti-amarile
Avant de partir, vous pouvez conseiller à vos patientes de réaliser une consultation spécialisée pour évaluer son risque thrombo-embolique. Et de se doter d’un certificat médical en fonction du terme de la grossesse. I
Hors suivi de grossesse, il est aussi conseillé d’aborder le sujet de la contraception, pour éviter certaines complications : une malabsorption de la pilule du fait d’une turista, le risque thromboembolique majoré en haute altitude, les oublis de pilule accentués avec les changements de routine et les décalages horaires, les décollements des patchs à cause de la chaleur, les problèmes de conservation du patch à cause de l’humidité de l’atmosphère, les problème d’hygiène et de précarité sanitaire en lien avec les anneaux vaginaux.
Quid de la vaccination anti-amarile indiquée dans la prévention de la fièvre jaune ? Le choix de la vaccination de la femme enceinte sera effectué en fonction de la balance bénéfice/risque propre à chaque destination. Rappelons que selon les recommandations de l’OMS de 2016, le schéma vaccinal comprend une seule dose avec un rappel recommandé 10 ans après la primovaccination d’une femme enceinte. Si la vaccination est effectuée pour une femme allaitante d’un bébé de moins de 6 mois, il est conseillé de suspendre l’allaitement deux semaines après la vaccination. En fonction des situations l’option peut aussi être de différer ou d’annuler un voyage.
La prévention contre le paludisme entre aussi en ligne de compte : les femmes enceintes contaminées sont en effet surexposées à un risque d’anémie sévère, de transfusion, de fausse-couche, de prématurité, de RCIU, de petit poids de naissance, de MFIU, de décès maternels. Cliquez sur ce lien pour en savoir plus sur la vaccination antipaludique des femmes enceintes.
Au retour de voyage, vos patientes doivent savoir que certaines formes de maladie peuvent rester asymptomatiques. Des informations complémentaires sont donc à délivrer :
Il n’y a pas de corrélation entre la forme clinique et le risque fœtal/néonatal
La confirmation par examens moléculaires et donc la consultation en phase fébrile est importante pour affirmer ou infirmer d’éventuels diagnostics
L’importance de mentionner tout pic de fièvre à vous sage-femme ou à l’obstétricien. Il s’agit en effet d’un facteur de dépistage d’une femme enceinte sur le retour d’un pays à risque, auquel s’ajoute des symptômes cliniques évocateurs, des éruptions cutanées non spécifiques, une anomalie biologique. Chez le fœtus, un tableau échographique évocateur, une perte fœtale, un accouchement prématuré inexpliqué ouvrent la voie du diagnostic.
Pour vos patientes baroudeuses
Enceintes ou pas, vos patientes peuvent préparer leur pharmacie de secours. Voici la panoplie simple et basique que vous pouvez leur conseiller : des antiseptiques, des pansements, du Paracétamol, du Racécadotril, un thermomètre, un traitement quotidien ou à la demande si nécessaire en cas de cystite ou de mycose notamment, une contraception d'urgence, une ordonnance en Dénomination Communauté Internationale (DCI).
Voici par ailleurs quelques rappels de base à relayer, en tant que sage-femme, à vos patientes voyageuses (et pas seulement) :
Le préservatif ne protège pas contre toutes les IST
La consommation d'alcool diminue le seuil de vigilance notamment d'ordre sexuel, qui expose à un sur-risque de contamination par une IST
Les cas de syphilis sont aujourd'hui associés à une recrudescence à l'échelle mondiale
Les formes asymptomatiques de syphilis sont fréquentes, et nécessitent des examens de dépistage
Avant un voyage de longue durée, il est conseillé de faire une mise à jour des examens de dépistage : le frottis cervico-utérine (FCU) cytologique, le test HPV après 30 ans, le recours à la mammographie...
Il est aussi bienvenu d'informer les patientes sur les possibles difficultés rencontrées pendant le voyage :
L'accès limité aux préservatifs et aux traitements préventifs
Les consultations médicales difficiles d'accès à l'étranger du fait de plusieurs freins : la barrière linguistique, la stigmatisation, la prise en charge financière
La question de la disponibilité des médicaments
Enfin, petit topo sur la protection contre les piqûres de moustique :
Chez les femmes allaitantes, il est recommandé de pas utiliser de répulsif au niveau de la poitrine pour éviter la mise en contact avec la bouche du tout-petit. Point importante sachant que les femmes allaitantes attirent davantage les moustiques
Depuis 2022, les produits insecticides (permethrine) pour les vêtements ne sont plus recommandés
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :