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Infections, pathologies, maladies dans le cadre de la grossesse

Publié le 12 juin 2020Lecture 22 min

Lupus, contraception et grossesse

Camille FRANCÈS, Paris

Cette revue est une mise au point sur la contraception et la prise en charge de la grossesse au cours du lupus systémique, du lupus cutané et/ou du syndrome des antiphospholipides afin de limiter le risque de complications et d’assurer le meilleur pronostic tant au plan maternel qu’au plan foetal.

Points forts Un lien entre estrogènes et activité du lupus systémique est décrit depuis longtemps dans la littérature. La grossesse reste associée au cours du lupus systémique à une morbi-mortalité maternelle et foetale plus importante que dans la population générale. Les complications possibles sont les poussées lupiques, les complications obstétricales (pertes foetales, retard de croissance in utero, pré-éclampsie, prématurité) et le lupus néonatal (risque faible en présence d’anticorps anti- SSA et/ou anti-SSB). Une biologie ou un syndrome des antiphospholipides augmentent nettement le risque de complications obstétricales. L’absence d’activité du lupus systémique et une surveillance régulière sont les meilleurs garants d’une issue favorable à ces grossesses à risque. Au cours du lupus cutané isolé, les risques de la contraception et de la grossesse sont faibles. L’arsenal thérapeutique doit dans tous les cas être adapté au désir de grossesse. Le lupus systémique (LS) est une maladie auto-immune de la femme jeune ; les lupus cutanés, bien que plus fréquents chez l’homme, notamment tabagiques, sont également souvent observés chez la femme en période d’activité génitale, d’où la fréquence des grossesses dans ces populations justifiant une contraception et une prise en charge adaptée des grossesses. Les lupus érythémateux cutanés ont un risque variable d’évolution vers un LS en fonction du type de lupus cutané : 90 % pour un lupus érythémateux cutané aigu 50-60 % pour un lupus érythémateux cutané subaigu, 20 % pour un lupus discoïde céphalique, 40 % pour un lupus discoïde disséminé, 20-60 % pour un lupus engelure, 10-30 % pour une panniculite lupique, 0-20 % pour un lupus tumidus. La présence d’anomalie immunologique, notamment d’anticorps anti-noyaux, anti- ADN, anti-ECT, anti-phospholipides est un facteur prédictif de ce risque évolutif. Contraception La contraception doit être systématiquement abordée avec les patientes lupiques en âge de procréer compte tenu de l’influence des hormones sur l’activité d’un éventuel LS. La contraception est par ailleurs indispensable lorsqu’un traitement tératogène de type méthotrexate, thalidomide, cyclophosphamide, acide mycophénolique est administré(1). Les principaux moyens de contraception sont l’utilisation de contraceptions hormonales, de dispositifs intra-utérins ou de contraception type barrière mécanique (préservatif, diaphragme…). Une métaanalyse ne retrouve pas d’augmentation du risque de pous sée lupique sous oest roprogestatifs(2) alors qu’une étude cas-contrôle, plus ancienne, sur des femmes âgées de 18 à 45 ans retrouvait une augmentation du risque de survenue d’un LS au cours de l’utilisation d’une contraception oestroprogestative, en particulier au début du traitement (risque relatif [RR] global 25,2, IC95 % 1,14-5,57), au cours de l’utilisation des pilules de première ou seconde génération (RR 1,65, IC95 % 1,20-2,26), ou lors de l’utilisation de doses élevées d’ethinylestradiol (RR 1,42 si < 30 μg et 2,92 pour 50 μg)(3). Pour certains auteurs, l’emploi des estroprogestatifs semble possible chez les patientes sans sur-risque thromboembolique, notamment sans biologie antiphospholipides avec un LS stable. Il faut cependant être très prudent compte tenu des critères très restrictifs d’inclusion des femmes dans les essais ne montrant pas de risque évolutif d’un LS sous estroprogestatif. Il n’existe pas, à notre connaissance, de données publiées concernant l’utilisation d’une contraception estroprogestative au cours des différents types de lupus cutanés. Dans notre expérience, celle-ci n’est pas contre-indiquée dans les lupus érythémateux cutanés chroniques (lupus érythémateux discoïde, lupus érythémateux tumidus, lupus-engelure, panniculite) en l’absence d’anticorps anti-noyaux et d’anticorps anti-phospholipides à un titre significatif. En France, les progestatifs (tableau 1) sont une alternative aux estroprogestatifs. L’acétate de chlormadinone est fréquemment utilisé malgré l’absence d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. L’acétate de chlormadinone est un progestatif de synthèse ayant une action suffisamment antigonadotrope pour être efficace en contraception. L’initiation de ce traitement se fera entre le 1er et le 5e jour des règles. La prise peut être discontinue sur 21 jours, suivie d’un arrêt de 7 jours avant la nouvelle prise de 21 jours ou continue. Les effets secondaires sont peu importants, principalement à type d’irrégularités menstruelles et de spottings. Une aménorrhée est fréquente après quelques cycles d’utilisation. Il est indispensable d’en avertir les femmes afin que la reprise de la contraception soit systématique après les 7 jours d’arrêt. Il n’existe que peu d’effets androgéniques. Les contre-indications sont les maladies thromboemboliques veineuses à la phase aiguë, les hémorragies génitales inexpliquées, les accidents vasculaires artériels, l’insuffisance hépatique sévère et le cancer du sein. L’acétate de cyprotérone est de moins en moins utilisé du fait du risque de méningiome. Il n’existe aucune donnée clinique publiée sur l’utilisation de l’acétate de nomégestrol (Lutenyl®) ou plus généralement des dérivés norpregnanes chez les femmes lupiques. La coagulation semble plus active avec ce type de progestatif comparativement à la progestérone. Aussi les dérivés norpregnanes, dont l’acétate de nomégestrol, ne sont-ils pas recommandés au cours du LS. En France, les micropilules progestatives sont également largement utilisées, en schéma continu. Elles ont l ’AMM, certaines étant remboursées. Elles doivent être prescrites à des patientes adhérentes et disciplinées : désogestrel 75 μg par jour (délai de couverture de 12 h en cas d’oubli) ou lévonorgestrel 30 μg (3 h en cas d’oubli). Leur action passe essentiellement par la modification de la glaire cervicale, mais aussi dans certains cas par une inhibition de la nidation (en cas d’aménorrhée induite par atrophie endométriale) et un blocage ovulaire inconstant (pour le désogestrel). Les effets secondaires sont identiques avec irrégularités menstruelles et spotting, voire aménorrhée. Les contreindications sont l’insuffisance hépatique sévère, les hépatites, le cancer du sein ou de l’endomètre. Les implants progestatifs souscutanés, utilisés en France, permettent la diffusion d’étonogestrel (métabolite actif du désogestrel) en continu entraînant des modifications de la glaire cervicale, une atrophie de l’endomètre et un blocage de l’ovulation (pour certaines femmes). Les effets secondaires incluent une aménorrhée ou au contraire des saignements prolongés, une prise de poids, l’apparition d’une acné et des céphalées. Ils semblent avoir une bonne tolérance vasculaire, mais il n’existe pas de données au cours du LS. Ils doivent être remplacés tous les 3 ans. Il existe également une contraception progestative injectable, l’acétate de médroxyprogestérone, peu utilisée actuellement en France. Elle est contre-indiquée chez ce type de patientes du fait d’une augmentation du risque thromboembolique veineux. Enfin, l’utilisation des dispositifs intra-utérins est de plus en plus répandue au cours du LS. Dans la population générale, la mise en place d’un tel dispositif est associée à un risque infectieux modéré dans le mois suivant l’insertion. Il faut, de principe, rester vigilant en cas d’apparition d’une fièvre ou de douleurs pelviennes après la pose d’un dispositif intra-utérin chez une patiente lupique traitée par corticoïdes ou immunosuppresseurs au long cours. Les dispositifs intrautérins bioactifs sont probablement à préférer en première intention. Il existe en effet depuis plusieurs années des dispositifs intra-utérins délivrant de petites doses de lévonorgestrel (soit 52 mg pour une durée de 5 ans , soit 13,5 mg pour une durée de 3 ans, ce dernier modèle plus récent est plus adapté aux petits utérus, notamment les femmes nullipares). La tolérance utérine est identique aux contraceptions microprogestatives par voie orale ou par implant. Grossesses La gestion d’une grossesse nécessite la prise en compte de 4 aspects différents : l’activi té d’un éventuel LS, la présence d’une biologie et/ou d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL), la présence d’anticorps anti-SSA et/ou anti- SSB et l’adaptation des différents traitements qui doivent être compatibles avec la grossesse. Elle sera idéalement précédée d’une consultation préconceptionnelle au cours de laquelle ces différents aspects seront abordés. Il s’agit notamment de mettre en place une prise en charge multidisciplinaire et une surveillance adaptée, af in d’ant iciper d’éventuelles complications. Consultation préconceptionnelle La consultation préconceptionnelle est une étape indispensable qui a pour objectif de préparer au mieux la grossesse afin de minimiser les risques de complications maternelles et foetales(4). Elle permet de dépister les rares contre-indications à une grossesse : poussée lupique actuelle ou récente, hypertension artérielle pulmonaire, hypertension artérielle (HTA) non contrôlée, valvulopathie mal tolérée. Une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min est une contre-indication relative, à discuter avec les néphrologues au cas par cas. Cette consultation permet d’évaluer les risques de la grossesse sur la maladie auto-immune et d’expliquer au couple les risques potentiels pour le bébé et pour la mère, les modalités du traitement et du suivi. Ces risques sont essentiellement déterminés par l’histoire clinique médicale et obstétricale de la patiente, son profil biologique et immunologique (encadré 1). Les principaux facteurs de risque sont la notion de complications obstétricales antérieures, une poussée systémique de moins de 6 mois, la nécessité d’une corticothérapie supérieure à 10 mg par jour, une insuffisance d’organe (cardiaque, rénale, pulmonaire en particulier), une HTA, une biologie antiphospholipides (aPL) positive ou un SAPL artériel, veineux ou microcirculatoire, un anticorps anti-SSA ou anti-SSB. Si la grossesse est fortement déconseillée, les objectifs à atteindre pour l’autoriser seront expliqués. Si la grossesse peut être envisagée, les médicaments déconseillés ou interdits pendant la grossesse sont alors arrêtés et remplacés si nécessaire. Une supplémentation en folates doit idéalement être proposée, indispensable en cas de traitement antérieur par méthotrexate ou d’anémie hémolytique même bien compensée, dans le but de limiter le risque d’anomalie de fermeture du tube neural. Un apport en calcium et en vitamine D est justifié en cas de corticothérapie, de traitement par héparine et chez toute femme à risque de prééclampsie. La prise en charge médicale et obstétricale (type de maternité, suivi multidisciplinaire) doit être planifiée. Les vaccinations seront mises à jour notamment cont re la coqueluche (y compris chez le futur père), le pneumocoque et la grippe selon la saison. La vaccination contre la rougeole et/ou la rubéole est indiquée en cas de négativité de la sérologie et sous réserve de l’absence d’immunosuppression importante (traitement par biothérapie ou immunosuppresseurs, corticothérapie supérieure à 10 mg par jour depuis plus de 15 jours). La consultation préconceptionnelle est également l’occasion de revoir d’éventuel les difficultés d’adhésion au traitement. Elle permet enfin de rassurer la patiente concernant l’innocuité pour l’enfant, des traitements qui seront maintenus, et du très faible risque de lui « transmettre le lupus ». Influence de la grossesse sur la femme enceinte Un LS actif dans les 6 mois précédant la grossesse ou en début de celle-ci est un facteur de risque de poussée de la maladie au cours de la grossesse. Le risque de poussée est quasiment identique, quel que soit le trimestre, y compris au cours du post-partum. Les poussées sont le plus souvent minimes à modérées, les manifestations articulaires moins fréquentes, et les manifestations rénales et hématologiques classiquement plus fréquentes et sévères. Les femmes avec un antécédent de néphropathie lupique sont à plus haut risque de poussée, en particulier s’il persiste une protéinurie ou une insuffisance rénale séquellaire. Outre le risque de poussée notamment rénale, la grossesse, du fait d’une augmentation du débit cardiaque, peut accélérer la dégradation de la fonction rénale. Il n’a pas été trouvé d’association entre la classe histologique et le risque de complications obstétricales. La mortalité maternelle, multipliée par 20 en cas de lupus systémique, est essentiellement liée à l’activité du LS, la survenue d’une prééclampsie, la présence d’anticorps antiphospholipides et aux effets secondaires des traitements, notamment infectieux. Influence du lupus systémique sur la grossesse Les risques foetaux et périnataux sont, eux, liés à la prématurité, la présence d’anticorps maternels anti-SSA et/ou antiphospholipides et aux effets secondaires des traitements. Un LS actif au cours des 6 mois précédents ou en début de grossesse est associé à une augmentation de la mortalité foetale et périnatale, de la prématurité et du risque de retard de croissance in utero (RCIU). Une atteinte rénale préexistante est également un facteur de risque de complications obstétricales telles que la survenue d’une HTA, d’une prééclampsie, d’une perte foetale, d’un RCIU et d’une prématurité. Lorsqu’il existe un antécédent de néphropathie lupique, un complément normal et l’utilisation d’aspirine à dose anti-agrégante apparaissent comme des facteurs prédictifs indépendants d’évolution favorable de la grossesse. En pratique, il est donc recommandé que la gros ses se débute à distance d’une poussée, notamment rénale, avec un délai minimum de 6 mois à partir de l’instant où la situation semble bien contrôlée. Risque de prééclampsie La prééclampsie est définie par une pression artérielle systolique supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique supérieure ou égale à 90 mmHg associée à une protéinurie supérieure ou égale à 0,3 g/24 h ou à une thrombopénie, une perturbation de la fonction hépatique, une insuffisance rénale aiguë, un oedème pulmonaire ou à la survenue de manifestations visuelles ou cérébrales. Les principaux facteurs de risque de prééclampsie sont un LS actif, une grossesse non programmée, une HTA, un SAPL associé, une maladie rénale préexistante, un diabète, un antécédent de prééclampsie, un taux élevé d’anticorps anti- ADN ou anti-RNP, un complément bas et une thrombopénie survenue au cours de la grossesse. Le principal traitement est l’extraction foetale ; en prévention, certains auteurs recommandent la prescription d’aspirine à dose anti-agrégante chez toutes les patientes avec LS et/ou un SAPL. Risque de prématurité Même lorsque la grossesse est programmée, le taux de prématur i té res te élevé, souvent induit médicalement du fait de complications (prééclampsie, activité du LS). Les pathologies thyroïdiennes, en particulier l’hypothyroïdie, augmentent également le risque de prématurité au cours du LS. Risque de retard de croissance in utero En tout, 10 à 30 % des grossesses des femmes avec LS se compliquent de RCIU, celui-ci étant notamment favorisé par la présence d’une glomérulonéphrite et/ou d’un LS actif. Risque de pertes foetales Le taux de naissances vivantes est de 85-90 %. La présence d’une biologie aPL ou d’un SAPL défini, d’un LS actif, d’une glomérulonéphrite, d’une HTA préexistante, d’une thrombopénie et/ou d’une protéinurie est autant de facteurs de risque de perte foetale. Une anomalie du Doppler de l’artère ombilicale sur l’échographie-Doppler du deuxième trimestre et un antécédent de phlébite sont des facteurs prédictifs de mort fœtale ou néonatale. Lupus néonatal L’incidence du lupus néonatal est entre 1/10 000 et 1/20 000 naissances. La moitié des enfants ont une atteinte cutanée, la moitié une atteinte cardiaque, et 10 % les deux atteintes. Tous peuvent également avoir une atteinte hématologique, hépatobiliaire, neurologique ou musculai re. Le lupus néonatal résulte du passage transplacentaire d’auto-anticorps maternels d’isotype IgG, habituellement dirigés contre le Ro/SSA (95 %), plus rarement contre le La/SSB, exceptionnellement contre l’U1-RNP (Ribonucleoprotein). Le sex ratio femme/homme est de 3/1 en cas de lupus cutané néonatal. Les lésions, rarement présentes dès la naissance, apparaissent habituellement dans les premières semaines de vie. Il s’agit de plaques érythémato- squameuses , arrondies et polycycliques, très proches cliniquement et histologiquement du lupus érythémateux cutané subaigu (figure 1), fréquemment hypopigmentées, notamment sur peau noire. Les lésions sont principalement localisées sur la tête, notamment autour des yeux, et les zones photoexposées, tout le tégument pouvant être atteint (figure 2). Elles disparaissent après une ou plusieurs poussées successives évoluant sur des semaines ou des mois, avec possibilité de télangiectasies ou de troubles pigmentaires séquellaires. D’autres manifestations ont été décrites : lupus discoïde sans hyperkératose folliculaire marquée ni atrophie, érosions buccales, alopécie, éruptions ér y thémato-squameuses , purpuriques, bulleuses, éruption papuleuse angiomateuse ou non, lésions télangiectasiques, livédoïdes, panniculite, etc. Figure 1. Lésions en lunette de lupus cutané néonatal. Figure 2. Lésions annulaires de lupus cutané néonatal du tronc avec une hypochromie secondaire. La gravité du lupus néonatal est liée à l’atteinte cardiaque, la plus fréquente étant le bloc auriculo-ventriculaire congénital (BAV) survenant sur coeur sain. Le risque de BAV est de 1 à 2 % en l’absence d’antécédent et de 10 à 17 % lorsqu’il existe un antécédent de BAV dans la fratrie. Il est le plus souvent découvert entre 20 et 24 semaines d’aménorrhée (SA). La mortalité est évaluée à 17 %, dont 1/3 in utero. La probabilité de survie à 10 ans est de 86 %. À 10 ans, 70 % des enfants atteints ont nécessité l’implantation d’un pacemaker. D’autres manifestations plus rares sont possibles : BAV du premier ou second degré, fibroélastose endomyocardique, cardiomyopathies tardives(5). L’intérêt du traitement curatif du BAV complet par corticoïdes fluorés est actuellement très discuté. Une prise en charge spécialisée, obstétricale et pédiatrique est indispensable, avec, si nécessaire, mise en place d’un pacemaker. Le risque de BAV étant plus élevé chez les femmes ayant déjà eu un enfant avec un BAV ou une atteinte cutanée, différents traitement s ont été essayés en prévention secondaire. La corticothérapie et les immunoglobulines intraveineuses ne sont pas efficaces. L’utilisation de l’hydroxychloroquine pourrait diminuer le risque de récidive de BAV(6) ; une étude prospective internationale est en cours pour évaluer son intérêt dans cette indication (étude PATCH, ClinicalTrials.gov : NCT01379573, contact en France : nathalie.costedoat@gmail.com). Le risque de développer ultérieurement un lupus n’est pas encore précisé, probablement plus élevé qu’en l’absence de lupus néonatal. Syndrome des antiphospholipides (SAPL) Le SAPL est une maladie prothrombotique pouvant être responsable de thromboses artérielles ou veineuses et de complications obstétricales. Ces dernières peuvent être isolées, définissant le SAPL obstétrical (encadré 2). Il est indispensable de rechercher l’existence d’une biologie aPL chez une femme lupique avec un désir de grossesse : anticoagulant circulant, anticorps anticardiolipine et anti-2GP1. Complications maternelles Il existe trois complications maternelles majeures : la prééclampsie, le syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver enzymes and Low Platelets) et les thromboses. La toxicité des médicaments fait également partie des complications. Le risque de prééclampsie est multiplié par 9 chez ces femmes. La prééclampsie, parfois révélatrice du SAPL, apparaît habituellement après 20 SA, ra re ment plus précocement. Elle peut être associée à un syndrome HELLP qui semble plus sévère et plus précoce que dans la population générale. La mortalité maternelle au cours du syndrome HELLP varie entre 1 et 3,5 %. Le traitement repose sur l’extraction foetale. Des thromboses artérielles ou veineuses peuvent survenir, voire un syndrome catastrophique des antiphospholipides défini par l’atteinte de plusieurs organes (au moins 3) dans un laps de temps très court (moins d’une semaine) avec confirmation histologique de la présence de thrombi dans les capillaires. Il est associé à un syndrome HELLP dans 53 % à 92 % des cas. Le traitement repose sur l’extraction foetale en urgence associée à une anticoagulation efficace, une corticothérapie, des échanges plasmatiques et/ou des immunoglobulines intraveineuses et, probablement aussi à de l’aspirine à dose antiagrégante. La mortalité maternelle est élevée (44 %), mais semble pouvoir être diminuée par une prise en charge adaptée. La mortalité périnatale reste de l’ordre de 50 %, principalement liée à la prématurité. Complications foetales Les complications foetales liées à ces anticorps sont les fausses couches (16,5 %), la mort foetale intra-utérine (4,8 %), le RCIU (26,3 %) et une naissance prématurée (48,2 %). Facteurs pronostiques Le risque lié au SAPL varie selon le mode d’entrée dans la maladie. Un antécédent de thrombose est un facteur de mauvais pronostic obstétrical, même en présence d’un traitement adapté. À l’inverse, les patientes ayant un SAPL se manifestant par des fausses couches récidivantes ont habituellement un bon pronostic au décours du premier trimestre. Les autres facteurs de risque sont l’association à un LS ou à une autre maladie auto-immune et un antécédent de complication au cours d’une grossesse antérieure. Les différents anticorps ne confèrent également pas tous le même risque obstétrical. L’anticoagulant circulant est l’anticorps ayant le plus mauvais pronostic(7) ; l’association d’un anticoagulant circulant, d’anticorps anti-2GP1 et d’anticorps anti-cardiolipine (triple positivité) est associée à un risque élevé d’accidents obstétricaux. Au cours de l’échographie foetale du 2e trimestre, et notamment de l’étude des Dopplers de l’artère ombilicale et des artères utérines, la présence d’un index de résistance utéro-placentaire anormalement élevé, la persistance d’un notch et une diminution du flux diastolique sont considérées comme de mauvais pronostics. Les traitements C’est au cours de la consultation préconceptionnelle que sera vérifiée la compatibilité du traitement avec le bon déroulement de la grossesse. Il est indispensable de mettre en balance les bénéfices foetaux de l’arrêt de certains traitements et les risques maternels de poussée. Dans les situations difficiles et/ou complexes (exposition aux biothérapies par exemple), le site du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) peut êt re consul té et les médecins contactés (http://www.lecrat.org). Lorsque des thérapeutiques notamment immunosuppressives sont modifiées, il est utile de différer de quelques semaines ou mois une grossesse, afin de vérifier que les adaptations sont bien tolérées et que les traitements introduits permet tent le contrôle du LS. Traitement du lupus systémique Le traitement comporte habituellement le maintien du traitement antérieur : généralement hydroxychloroquine, parfois corticoïdes avec une dose idéalement inférieure à 7,5 mg/j. Lorsque l’utilisation d’un immunosuppresseur est nécessaire, l’azathioprine est la molécule de choix. Un apport calcique d’au moins un gramme par jour doit être systématique chez les patientes à risque de prééclampsie, en particulier chez les patientes avec un apport alimentaire faible. Le traitement des poussées varie selon la sévérité et le type d’organe atteint ; il est similaire au traitement en dehors de la grossesse sous réserve de la compatibilité des traitements avec celle-ci : hydroxychloroquine, corticothérapie en bolus si nécessaire puis par voie orale avec une dose la plus basse possible qu’il faut ensuite décroître aussi rapidement que possible pour minimiser le risque de rupture prématurée des membranes, voire azathioprine ou ciclosporine dans les formes les plus sévères (poussée rénale notamment) jusqu’à ce que l’extraction foetale puisse être réalisée sans danger. Le recours à des équipes habituées à ce genre de situation nous paraît indispensable. Traitement du SAPL Concernant le traitement du SAPL obstétrical, les études contrôlées randomisées sont peu nombreuses et hétérogènes. L’aspirine est habituellement commencée avant la conception et les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) dès le diagnostic de grossesse à dose préventive en l’absence de thrombose maternelle antérieure. L’ordonnance pourra être donnée lors de la consultation préconceptionnelle. En cas de thrombose antérieure, les femmes devront arrêter leur traitement par antivitamine K dès le diagnostic de grossesse compte tenu du risque d’embryopathie. Celui-ci sera remplacé par une HBPM à dose anticoagulante efficace, en 2 injections afin de prévenir une récidive thromboembolique maternelle, mais aussi en raison du risque obstétrical élevé chez ces patientes. De l’aspirine à dose anti-agrégante sera ajoutée. En cas de biologie antiphospholipides isolée, sans thrombose antérieure ni SAPL obstétrical, la majorité des spécialistes introduisent un traitement par aspirine, malgré l’absence d’études randomisées. L’adjonction d’une HBPM à dose préventive peut se discuter lorsqu’il existe une biologie antiphospholipides « forte », en particulier un anticoagulant circulant ou une « triple positivité ». S’il existe des antécédents obstétricaux malgré un traitement bien conduit associant aspirine et héparine à dose efficace, certains proposent l’adjonction de corticoïdes à faible dose ou d’hydroxychloroquine, y compris en cas de SAPL primaire. Le rôle des immunoglobulines intraveineuses dans ces situations d’échec n’a jamais été correctement évalué. Les différentes prises en charge proposées en fonction des antécédents de la patiente sont résumées dans le tableau 2. Surveillance La surveillance doit être multidisciplinaire et comporte une évaluation clinique, biologique et échographique régulière. Elle est généralement mensuelle, plus rapprochée en fin de grossesse, mais surtout adaptée aux antécédents obstétricaux et au déroulement de la grossesse. On recherchera systématiquement à l’examen clinique et sur les examens biologiques des signes évocateurs de poussée lupique, de prééclampsie ou de syndrome HELLP. La surveillance échographique comprend les échographies trimestrielles habituelles. En présence d’une biologie aPL, des Dopplers utérins seront associés à 22 SA, suivis d’une surveillance de la biométrie foetale, de la quantité du liquide amniotique et d’un Doppler ombilical à 28 et 36 SA. Une échographie cardiaque foetale est actuellement proposée tous les 15 jours, entre 16 et 24 SA, à toute femme porteuse d’anticorps anti-SSA et/ou anti-SSB. Cette surveillance devient hebdomadaire lorsqu’il existe un antécédent de BAV ou de lupus néonatal cutané dans la fratrie. L’acccouchement et le post-partum Dans certains cas, l’accouchement peut être programmé aux alentours de 38 SA, permettant ainsi notamment une meilleure gestion du traitement antiagrégant et anticoagulant. En France, l’aspirine est généralement interrompue à 35 ou 36 SA afin de permettre une analgésie péridurale dans de bonnes conditions, même si, selon les recommandations européennes et sous réserve de l’absence d’autres facteurs de risque hémorragiques, la poursuite de ce traitement n’est pas une contre-indication à la péridurale. L’arrêt de l’anticoagulation au cours de cette période étant un facteur de risque de survenue de syndrome catastrophique des antiphospholipides, l’aspirine n’est arrêtée si nécessaire que 24 à 48 heures chez les patientes ayant un antécédent de thrombose artérielle ou de syndrome catastrophique des antiphospholipides. En cas de SAPL avec antécédent de thrombose, le traitement par HBPM doit être repris le plus précocement possible après l’accouchement. Le relais par antivitamine K pourra être initié assez rapidement et la warfarine privilégiée en cas de désir d’allaitement. En présence d’une biologie antiphospholipide sans antécédent de thrombose, une HBPM à dose isocoagulante devra être prescrite pour les 6 semaines post-partum. Ensuite, un relais par aspirine sera proposé chez les patientes avec un SAPL obstétrical, car il existe un risque augmenté de complications thrombotiques ultérieures. Concernant l’allaitement, la supplémentation en calcium et en vitamine D doit être systématique, en particulier en cas de traitement par HBPM et/ou corticoïdes. L’hydroxychloroquine peut être poursuivie sans risque de complications notamment oculaires chez les enfants. L’aspirine peut être utilisée à dose antiagrégante. Malgré un passage faible des corticoïdes dans le lait maternel, il est recommandé d’espacer l’allaitement de 3 à 4 heures après la prise maternelle lorsque la posologie est supérieure à 50 mg/j. Concernant les antivitamines K, seule la warfarine est autorisée. Si l’allaitement maternel est exclusif, et même si les concentrations de warfarine sont indétectables dans le lait maternel, il est encore, en France, conseillé de donner 2 mg de vitamine K par semaine à ces enfants. L’allaitement n’est pas recommandé lors des traitements par immunosuppresseurs compte tenu du peu de données disponibles et du risque de déplétion lymphocytaire chez l’enfant. Cependant, l’utilisation de l’azathioprine est de plus en plus répandue, même si certains auteurs le déconseillent du fait du risque possible d’augmentation de la carcinogenèse et de retard de croissance. Prise en charge néonatale immédiate La prise en charge spécifique du nouveau-né d’une mère lupique comporte un électrocardiogramme en cas d’anticorps anti-SSA ou anti-SSB maternels. La prise maternelle d’un traitement immunosuppresseur doit être connue du pédiatre compte tenu de la majoration du risque infectieux de l’enfant. Les lupus cutanés   Il n’existe pas d’étude publiée sur le pronostic obstétrical au cours des différents types de lupus cutanés. Une étude de cohorte a comparé le pronostic obstétrical de femmes avec des manifestations cutanées lupiques isolées (vespertilio, lupus discoïde, lupus érythémateux subaigu, ulcérations nasales ou orales, groupe 1), un LS (groupe 2) et un groupe 3 de contrôle. Les patientes du groupe 1 se comportaient comme les témoins et avaient moins de pertes foetales (p = 0,005), de RCIU (p = 0,001), de prééclampsie (p = 0,05), de poussée lupique (p = 0,05) ou d’anticorps antiphospholipides (p = 0,02) que les patientes du groupe 2(8). Le pronostic obstétrical des femmes avec un lupus érythémateux cutané semble similaire à celui de la population générale. Bien entendu, la présence d’une biologie antiphospholipides doit être prise en compte (voir chapitre correspondant) et la surveillance, notamment échographique, adaptée s’il existe un anticorps anti-SSA et/ou anti- SSB. Dans une analyse prospective européenne de la base de données du lupus cutané (1 002 patients), des anticorps anti-SSA ont été retrouvés chez 72 % des patients avec un lupus érythémateux subaigu, 47 % des patients avec un lupus érythémateux aigu et 22 % des patients avec un lupus érythémateux chronique. Les anticorps anti-SSB étaient retrouvés respectivement chez 36 %, 27 % et 7 % des patients. La présence d’anticorps anti-cardiolipine de type IgG ou IgM était retrouvée respectivement chez 36 %, 9 % et 10 % des patients, le pourcentage d’anticoagulant circulant et des anticorps anti-2GP1 n’étant pas précisé(9). Les corticoïdes locaux peuvent être poursuivis, quel que soit le terme de la grossesse. Les effets sur la grossesse (rupture prématurée des membranes, HTA, diabète gestationnel, RCIU, risque infectieux) sont dépendants de leur passage systémique, c’est-à-dire fonction de la puissance du corticoïde utilisé, de sa posologie et de la surface d’application. Au cours de l’allaitement, le contact prolongé entre le bébé et la zone cutanée traitée devra être évité. Concernant les autres traitements utilisés, les concentrations plasmatiques de tacrolimus utilisé par voie cutanée sont faibles, les effets secondaires systémiques rares à posologie usuelle. Son utilisation est autorisée au cours de la grossesse et de l’allaitement(1). Le thalidomide est strictement contre-indiqué, justifiant l’obligation d’une double contraception efficace avec négativité du test de grossesse mensuel avant la délivrance du médicament chez la femme en période d’activité ovarienne. L’utilisation de la dapsone est possible, quel que soit le terme de la grossesse, à la dose efficace la plus faible possible(1). Si le traitement est poursuivi jusqu’à l’accouchement, la survenue éventuelle de troubles hématologiques (anémie hémolytique, méthémoglobinémie) néonataux devra être prise en compte. L’allaitement n’est pas recommandé(1). Enfin, les rétinoïdes ne sont pas autorisés au cours de la grossesse(1).

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