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Diabètologie

Publié le 23 fév 2021Lecture 6 min

Baisser l’HbA1c avant et en début de grossesse pour les mères diabétiques, il y a tout à gagner…

Pierre MARGENT, Paris

Les femmes enceintes diabétiques dont le taux d’hémoglobine glyquée A1c (HbA1c) sérique est élevé sont à haut risque de morbidité maternelle sévère et leurs nouveau-nés sont exposés à des malformations congénitales, notamment cardiaques, à une prématurité ou à une mort néo-natale. Une intervention thérapeutique peut, avant la gestation, améliorer le pronostic, tant de la mère que de l’enfant. On ignore cependant si un contrôle glycémique satisfaisant, avant la conception et durant les premiers mois de la grossesse, jusqu’ à mi-terme, peut réduire le risque maternel et périnatal.

Étude en Ontario Une étude a été menée pour déterminer si, chez des patientes diabétiques, une diminution nette de l’HbA1c durant la phase préconceptionnelle et les premiers mois de grossesse était associée à un moindre risque de survenue d’événements pathologiques graves chez la mère et chez l’enfant. Il s’est agi d’une étude de cohorte sur une population de femmes enceintes, vivant en Ontario (Canada), réalisée entre mars 2007 et septembre 2018. L’âge gestationnel des participantes était celui fourni par les dossiers médicaux, apprécié, dans la grande majorité des cas, par échographie. Les femmes devaient être diabétiques avant leur grossesse et elles ont accouché d’un enfant vivant ou mort-né après la 21e semaine dans un hôpital de l’Ontario. Leur HbA1c avait été mesurée dans les 90 jours précédant la conception, puis, en cours de grossesse, dans les premiers mois, jusqu’à la 21e semaine de gestation. Avaient été exclus de l’étude les femmes de moins de 16 ans, celles ne résidant pas en Ontario, celles qui avaient donné naissance ou étaient décédées avant la 21e semaine de grossesse ou celles non couvertes par le régime de prise en charge médical de la province. La date limite, de 21e semaine, avait été choisie car, alors, les principales anomalies structurales sont décelables en échographie et c’est la date retenue également pour définir la mort à la naissance. En outre, lors de cette période, les variations de l’HbA1c sont souvent minimes, de moins de 0,2 %. Examen des anomalies congénitales et de la morbi mortalité maternelle sévère Le paramètre essentiel étudié était la découverte d’une anomalie congénitale chez un enfant vivant, à la naissance jusqu’au 365e jour de sa vie ou la constatation d’un mort-né lors de l’accouchement. Les anomalies congénitales liées à une pathologie chromosomique sans rapport avec le diabète n’ont pas été retenues. Les autres paramètres analysés étaient le nombre de naissances prématurées, avant la 37e semaine, le nombre de déclenchements avant cette date, les extractions très précoces et l’ensemble des décès dans les 28 premiers jours de la vie des nouveau-nés. Chez la mère a été considérée la morbimortalité sévère (MMS) survenue dans les 42 premiers jours du post partum. Au plan statistique, le risque relatif ajusté (aRR) a été calculé pour toute baisse absolue nette de 0,5 % du taux d’HbA1c, depuis la période préconceptionnelle jusqu’ à mi-grossesse, ajusté en fonction de l’âge de la mère, du taux d’HbA1c avant la grossesse, de la concentration en hémoglobine (Hb) et de l’âge gestationnel lors du dosage en cours de conception. Il a aussi été tenu compte du degré d’obésité, facteur important d’évolution pathologique. La cohorte inclut 3 459 femmes enceintes diabétiques. L’HbA1c a été dosée, en moyenne, 44,4 (25,5) jours avant la conception et à la 13,5e (5,4) semaine de gestation. L’âge maternel moyen se situait à 32,6 (5,0) ans ; 1 310 des 3 459 participantes étaient nullipares (37,9 %) ; 65 (1,9 %) ont accouché d’un enfant mort-né ou qui est décédé avant le 28e jour de vie. Point notable, plus d’un tiers des femmes étaient immigrées ; 7,9 % hypertendues et 16,5 % anémiques avec un taux d’Hb pré-conception à moins de 12 g/dl. De façon classique, le taux d’HbA1c a eu tendance à baisser, passant, en moyenne, de 7,2 % (1,6) avant la grossesse à 6,4 % (1,1) en début et milieu de gestation. Influence du taux d’HbA1c préconceptionnel et en début de grossesse Pour 14,4 % de l’ensemble des grossesses (n = 497) une anomalie congénitale a été constatée. Il a été noté une relation entre probabilité ajustée de découvrir une malformation et élévation de l’HbA1c en préconception. Le RR non ajusté était de 1,07 (intervalle de confiance à 95 % IC : 1,04- 1,09) pour toute augmentation absolue de 0,5 % de l’HbA1c, ce résultat n’étant pas modifié après ajustement des diverses co-variables. Au total 237 des nourrissons avaient une anomalie cardiaque, soit un aRR de 1,09 (IC : 1,06- 1,13) pour toute variation de 0,5 % de l’HbA1c avant la grossesse, risque identique après exclusion des observations de canal artériel persistant. De façon parallèle, a été notée une hausse des naissances prématurées (aRR :1,08 ; IC : 1,06- 1,09), des très grandes prématurités (aRR : 1,09 ; IC : 1,04- 1,14) et de la mortalité périnatale (aRR : 1,16 ; IC : 1,11- 1,21). Chez les mères, il y a eu 191 évolutions pathologiques (5,5 %) marquées par la survenue d’un MMS ou d’un décès dans les 42 jours suivant l’accouchement. Pour chaque baisse de 0,5 % de l’HbA1c, l’aRR est de 0,90 (IC : 0,84-0,96). Sur 1 424 naissances vivantes, avec pendant la grossesse, une baisse de l’HbA1c entre la 3e et 12e semaine de gestation, l’aRR est calculé à 0,90 (IC : 0,83- 0,90). Chez la mère, l’incidence des SMM et des décès diminue aussi pour toute chute de 0,5 % de l’HbA1c entre la période préconceptuelle et le milieu de la grossesse : l’aRR étant alors calculé à 0,90 (IC : 0,84- 0,96). Bénéfices d’un contrôle glycémique strict Ce travail démontre donc que, dans une population de femmes diabétiques, une amélioration significative de l’HbA1c avant et en cours de grossesse est associée à un moindre risque d’effets délétères, tant chez la mère que chez l’enfant., se traduisant par diminution du risque d’anomalies congénitales, de prématurités ou de décès. Cette association est particulièrement marquée chez les femmes dont l’HbA1c avant la conception était supérieure à 6,4 %. Les diabétiques dont l’HbA1c avait chuté de plus de 2 % entre la période de préconception et le milieu de grossesse avaient un risque d’avoir un enfant porteur d’une anomalie congénitale de 12,0 % (IC : 10,4-13,8) vs 15,6 % (IC : 14,0-17,4) chez celles qui n’avaient pas eu d’amélioration de leur HbA1c. Ces résultats témoignent donc de l’importance d’un contrôle rigoureux de la glycémie avant et au début d’une grossesse, surtout dans les cas où l’HbA1c initiale est supérieure à 6,4 %. Le bénéfice d’un contrôle strict est patent, non seulement en réduisant le risque de malformations mais aussi celui de prématurité ou de MMS (hémorragie du post partum, sepsis puerpéral, prééclampsie sévère…). Ces résultats rejoignent ceux d’un essai clinique italien randomisé qui avait démontré qu’une amélioration du mode de vie des diabétiques enceintes, en surpoids ou obèses, avec insulinorésistance, entre la 9e et 12e semaine de gestation, améliorait le devenir néonatal. Cette étude a pour avantage d’avoir reposé sur un échantillon large de population, avec recueil de multiples données. À l’inverse, elle n’a pas pris en compte les avortements et fausses couches d’avant la 20e semaine de gestation. Elle n’a pas, non plus, distingué les anomalies congénitales majeures et mineures. L’impact d’une déficience associée en vitamine B2, folates ou fer n’a pas été appréhendé. De plus, l’IMC n’a pas été noté chez toutes les participantes et l’on manque aussi d’informations sur les traitements anti-diabétiques administrés, insuline ou autres. Les diabètes de type 1 n’ont pas été distingués de ceux de type 2. Enfin, il faut signaler que, dans la catégorie de population ciblée, le taux d’anomalies congénitales observées a été très élevé, de l’ordre de 11,3 % face aux 3 à 5 % communément notés dans la population générale. Pour conclure, les femmes diabétiques ayant avant la conception et en début de grossesse une baisse nette de leur HbA1c bénéficient d’une amélioration considérable du pronostic maternel et fœtal. Des études restent à venir pour mieux définir le rôle respectif des différents facteurs : modifications du mode de vie, traitements hypoglycémiques, autres…afin de réduire au mieux l’HbA1c en période périgestationnelle.

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