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Vaccination

Publié le 07 nov 2022Lecture 5 min

Vaccins pendant la grossesse : quels anticorps dans le lait maternel ?

Isabelle MERESSE, Bordeaux
Vaccins pendant la grossesse : quels anticorps dans le lait maternel ?

Après vaccination de la femme enceinte, quels anticorps restent actifs dans le lait maternel, et sur quelle durée après l'accouchement ? Zoom sur des exemples tels que l'immunisation contre la grippe, la coqueluche et le SARS-CoV-2.

Le lait maternel présente de nombreux avantages pour les nourrissons. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l'allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de vie, jusqu'à deux ans si possibles en complément de la diversification. Cependant, des disparités en la matière persistent. Les femmes enceintes et celles qui ont récemment accouché peuvent être vulnérables aux infections. La vaccination pendant la grossesse et l'allaitement offre une protection à la mère et à l’enfant grâce au transfert de facteurs immunitaires in utero (IgG) et par le lait maternel. En effet, ce dernier contient, en plus de composants immunoprotecteurs, trois classes d'anticorps (Ac) qui confèrent une immunité muqueuse respiratoire et digestive au nourrisson allaité : les IgA sécrétoires maternelles, les IgM sécrétoires et les IgG. Cette revue de la littérature s’intéresse à l'immunité humorale dans le lait maternel après vaccinations et met en exergue les obstacles à surmonter pour améliorer l'équité vaccinale. Réponses immunitaires dans le lait après vaccination contre la grippe Les virus de la grippe peuvent provoquer des formes graves chez les femmes enceintes, la vaccination antigrippale leur est recommandée. L'efficacité vaccinale varie entre 50 et 70 % pendant la grossesse et le risque d'hospitalisation liée à la grippe des femmes enceintes diminue de 40 %. Des études ont montré une plus faible incidence de grippe chez les nourrissons nés de mères vaccinées jusqu'à 6 mois après l'accouchement, protection principalement attribuée aux IgG transférées pendant la grossesse. Une étude récente a montré que les niveaux d'IgA antigrippales dans le lait maternel, après vaccination au 3ème trimestre de grossesse, se maintenaient à un niveau élevé pendant au moins 6 mois après l'accouchement. Les IgM et IgG antigrippales sont aussi présentes dans le lait mais à des niveaux inférieurs, ainsi que d’autres cellules immunitaires, mais les données sont limitées sur le degré de protection qu’elles confèrent. Réponses immunitaires dans le lait après vaccination contre la coqueluche Le rappel contre la coqueluche à partir du 2ème trimestre de grossesse permet de fournir des Ac protecteurs au fœtus et de réduire la morbi-mortalité chez le nouveau-né. Des études ont démontré qu'après vaccination maternelle, des taux élevés d'IgG sont présents dans le sang du nouveau-né par transfert placentaire. Des IgA et des IgG spécifiques sont rerouvés dans le colostrum et le lait maternel, pendant au moins 8 semaines après l'accouchement en cas de vaccination maternelle pendant la grossesse. L'efficacité de la vaccination maternelle pour la protection du nourrisson au cours des premiers mois de la vie varie de 88 à 93 %. De plus, les nourrissons atteints de coqueluche dont les mères ont reçu le vaccin encourent de moindres risques d'hospitalisation, d'admission aux soins intensifs et ont des séjours à l'hôpital plus courts. Réponses immunitaires dans le lait après vaccination contre le SARS-CoV-2 Cette revue s’est concentrée sur les vaccins à ARNm. Les nourrissons des mères vaccinées pendant la grossesse avaient des niveaux d'IgG anti-SARS-CoV-2 dans le sang du cordon et dans le sang démontrant un transfert via le placenta. La vaccination contre le SARS-CoV-2 a réduit le risque d'hospitalisation du nourrisson pour Covid-19 de 30 à 70 % jusqu'à l'âge de 4 à 6 mois. En revanche, les nourrissons nés de mères vaccinées après la grossesse n'avaient pas d'IgG anti-SARS-CoV-2 dans le sang. La plupart des études ayant évalué la vaccination pendant l'allaitement ont montré une augmentation initiale des IgG anti-SARS-CoV-2 du lait 14 à 21 jours après la 1ère dose, culminant 7 jours après la 2ème dose et restant élevés pendant au moins 6 semaines. Les taux d’IgA sont maximaux 14 à 18 jours après la 1ère dose, augmentent légèrement pendant 7 jours après la 2ème dose, puis diminuent. Les mères infectées par la Covid-19 ont une sécrétion rapide d'IgA anti-SARS-CoV-2 dans le lait, durant > 90 jours, réponse distincte de celle générée par les vaccins. Dans les modèles animaux, une vaccination intranasale supplémentaire renforce l'immunité muqueuse en plus de l'immunité systémique induite par le vaccin. Deux études récentes ont détecté des lymphocytes T spécifiques du SARS-CoV-2 dans le lait maternel après vaccination mais sans qu’on sache s’ils fournissent une protection aux voies respiratoires ou au tractus gastro-intestinal des nourrissons ou s’ils sont absorbés dans l'intestin vers la circulation systémique. Les enfants atteints de Covid-19 présentent souvent des symptômes gastro-intestinaux. Des IgA et IgG anti-SARS-CoV-2 ont été détectés dans un tiers des échantillons de selles de nourrissons après vaccination maternelle. D'autres études sont nécessaires pour déterminer la protection locale des muqueuses par ces Ac dérivés du lait maternel. Une étude portant sur plus de 10 000 femmes allaitantes a révélé une perturbation minime de la lactation après vaccination pendant 24 à 72 heures (réduction de la production de lait chez 5 à 7 % des femmes, plus fréquente après la 2ème dose). Des symptômes transitoires chez 2 à 7 % des nourrissons allaités après vaccination maternelle ont été signalés : somnolence et irritabilité le plus souvent, fièvre et symptômes gastro-intestinaux (1 à 2 %). De rares études ont examiné le transfert de particules de vaccin dans le lait. Un transfert d'ARNm a été trouvé dans moins de 2 % des échantillons de lait. Une étude n’a pas mis en évidence d’augmentation significative du polyéthylène glycol (PEG), présent dans les nanoparticules lipidiques des vaccins à ARNm, dans le lait après la vaccination. Il n'est pas clair si les symptômes du nourrisson sont liés au transfert de particules vaccinales, des recherches supplémentaires seront nécessaires. Des inégalités persistent dans les groupes les plus vulnérables en matière de soutien à la lactation et d'accès aux vaccins. Pendant la pandémie de Covid-19, la réduction de l’accès aux hôpitaux les a aggravés. Le financement des services de lactation est également insuffisant. En s'attaquant aux obstacles systémiques et structurels, ces disparités pourraient être réduites, et une éducation cohérente dispensée. Cette revue résume les avantages immunologiques des vaccins contre la grippe, la coqueluche et la Covid-19 conférés par le lait maternel. La quantité de lait maternel devant être ingérée pour conférer un effet protecteur est inconnue, une étude détaillée des schémas d'alimentation des nourrissons sera nécessaire. Des travaux supplémentaires s’imposent pour comprendre la dynamique des réponses immunitaires pendant la lactation et les mécanismes de protection immunitaire observés chez les nourrissons allaités. Cependant, les avantages de l'allaitement maternel sont annulés s'il n'y a pas un accès et un soutien équitables à la lactation, en particulier dans les populations vulnérables.

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