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Obésité

Publié le 17 mar 2023Lecture 9 min

Obésité et grossesse : la chirurgie bariatrique, avant pendant après

Laura BOURGAULT
Obésité et grossesse : la chirurgie bariatrique, avant pendant après

Maladie métabolique, l’obésité constitue un facteur de complication chez les femmes enceintes. Que savoir sur cette pathologie caractérisée par un IMC supérieur à 30 kg/m² ? Quelle prise en charge est proposée aux patientes pour maximiser le bon déroulé de la grossesse, de l’accouchement et protéger la santé materno-fœtale ?

Parmi les 47,3% de Français en situation d’excès pondéral, 17% souffrent précisément d’obésité. Parmi les principales solutions thérapeutiques proposées aux patients, il existe la chirurgie bariatrique, également appelée chirurgie métabolique quand elle est indiquée chez une patiente obèse dans l’optique de réguler un diabète.  Cette chirurgie est précisément pratiquée dans la prise en charge de l’obésité morbide, en dernier recours, quand les mesures hygiéno-diététiques, le suivi en nutrition, les séances en psychologie, le programme d’éducation thérapeutique et les traitements médicamenteux ne permettent pas d’enclencher une perte de poids suffisante et pérenne. Chaque année, 60 000 interventions de chirurgie bariatrique sont pratiquées en France, tous sexes confondus. Une donnée multipliée par 60 depuis 1997, et une population concernée largement féminine sachant que 80% des patients sont des patientes. Autre point : en 10 ans, 500 000 patients ont bénéficié de cette intervention.  La chirurgie bariatrique entraîne en moyenne une perte de poids de 25% du poids total. Préparer les patientes Plusieurs étapes précèdent la chirurgie bariatrique. La première étant la sélection des patient(e)s en fonction de différents critères d’inclusion relayés par l’Assurance maladie : avoir un indice de masse corporelle (ou IMC) > 40 kg/m², ou > 35 kg/m² avec une complication associée (par exemple diabète de type 2, HTA, syndrome d'apnée-hypopnée obstructive du sommeil) ; être âgées de 18 à 60 ans ; ne pas être concernées par des contre-indications d’ordre psychologique notamment des troubles du comportement alimentaire (TCA) ou des antécédents de fragilités psychiatriques ; ne pas présenter de risque opératoire particulier Place ensuite, en amont de la prise en charge au bloc opératoire, à la préparation des patientes sur le plan diététique. Mais aussi psychologique : une telle intervention n’a en effet rien d’anodin tant les transformations à venir, physiques et leur impact psychique, peuvent être intenses. Et il est bon de s’y préparer avant l’intervention. Trois techniques possibles Une fois au bloc opératoire, il faut savoir qu’il existe 3 techniques de chirurgie bariatrique, privilégiée en fonction du profil métabolique de chaque patiente : La sleeve gastrectomy Le by-pass gastrique Le switch duodénal : une technique qui ne sera jamais proposée aux femmes en âge de procréer  Après la chirurgie Très rapidement après l’intervention, les besoins nutritionnels et donc la prise alimentaire vont être diminués. « Cette restriction gastrique va provoquer une perte de poids rapide », décrit le Pr Paul Berveiller, gynécologue-obstétricien au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, à l’occasion du Congrès Gyn Caraïbes, organisé du 17 au 20 janvier 2023 au Gosier (Guadeloupe). Un projet de grossesse 12 à 18 mois après la chirurgie  Une fois la chirurgie effectuée, il faudra attendre 12 à 18 mois pour initier un projet de grossesse, « car la majeure partie de la perte de poids survient pendant cette période », comme en atteste le Pr Berveiller. « Et la stabilité pondérale doit être atteinte » avant de penser grossesse. Pendant ces 12 à 18 mois, un suivi très complet de la femme est mis en place, sur le plan : Chirurgical Diététique : une supplémentation est systématiquement mis en place pour éviter ou soigner les carences nutritionnelles ; Psychologique : après une chirurgie bariatrique, la perte de poids est si importante que les patient(e)s peuvent en effet éprouver la sensation d’une page qui se tourne, d’un corps et d’un regard sur soi qui se modifient profondément. Auquel cas des séances de psychologie permettant de mettre des mots sur ses émotions et de cheminer grâce à l’écoute et au retour d’un spécialiste peuvent être bienvenus ; Médical : consacré à la surveillance de la perte pondérale, notamment primordiale en prévention du risque de dénutrition. Et quand il survient, comment cet état se caractérise-t-il ? Plusieurs point sont à observer par l’équipe référente : « la perte de poids est trop rapide et/ou excessive, la patiente présente une incapacité à reprendre ses activités quotidiennes, une perte de la masse et de la force musculaire ou une hypoalbuminémie* », détaille le Pr Paul Berveiller. Si une grossesse survenait avant 12 à 18 mois, le soignant commence par « rassurer la patiente malgré tout et à l’adresser au plus vite vers un centre expert (CSO) ». Et d’axer la prise en charge dans un prisme pluridisciplinaire avec une équipe composé de chirurgiens, de diététiciens ou de nutritionnistes et de psychologues pour un maximum de sécurité. Diabète gestationnel, macrosomie, HTA gravidique Entrons maintenant dans le détail des bénéfices de la chirurgie bariatrique. Dans le cadre d’une obésité, cette technique vient limiter le risque de comorbidités, et améliore ainsi l’espérance de vie en bonne santé. Associée à un projet de grossesse, le risque d’un diabète gestationnel, de macrosomie et d’HTA gravidique sont moindres si la grossesse est précédée par une chirurgie bariatrique, sur le moyen terme donc. A noter que « le bénéfice est moins significatif concernant la PE,  d’où l’importance de rester vigilant sur ce point », souligne le Pr Berveiller.  La chirurgie de l’obésité vient également épargner la femme de carences alimentaires préjudiciables pour la santé maternelle comme pour le fœtus :  la vitamine B9 en prévention du risque d’anémie macrocytaire pour la mère, pour assurer la fermeture du tube neural et la bonne croissance du fœtus ; la vitamine 12 en prévention du risque d’anémie macrocytaire  et de troubles neurologiques pour la mère, pour assurer un développement neurologique normal et la bonne croissance du fœtus ; la vitamine A en prévention du risque de troubles de la vision nocturne et de xérose cutanée pour la mère, pour assurer un bon développement des voies optiques et pulmonaires du fœtus ; la vitamine D en prévention du risque de pré-éclampsie pour la mère, pour assurer le renforcement du système immunitaire et une croissance normale pour le fœtus ; la vitamine K en prévention du risque de troubles de la coagulation pour le fœtus ; le fer en prévention du risque d’anémie pour la mère, pour assurer une bonne croissance fœtale et assurer le développement des cellules immunitaires de l’enfant à naître ; le calcium en prévention du risque de pré-éclampsie, d’HTA, de crampes d’ostéopénie et d’ostéoporose pour la mère, pour assurer au fœtus une bonne croissance et maturation du squelette ; le zinc en prévention du risque de pré-éclampsie pour la mère, pour assurer le renforcement du système immunitaire et une croissance normale pour le fœtus ; les protéines en prévention du risque de dénutrition pour la mère, pour assurer une bonne croissance fœtale. Quel impact de la chirurgie sur le fœtus ? La chirurgie bariatrique minimise donc un certain nombre de risques cités plus haut. Mais en tant que telle, cette intervention induit aussi un sur-risque de prématurité, de nouveau-né petit pour son âge gestationnel (PAG). En revanche, la survenue de mortalité ou de prise en charge en unités de soins intensifs (USI) ne se trouvent pas augmentés. Supplémentation, suivi nutritionnel, échographies  Après une chirurgie bariatrique dont aurait pu bénéficier une patiente obèse, un suivi spécifique est mis en place pendant la grossesse, en prévention de potentielles complications. Une surveillance basée sur « des échographies mensuelles afin de surveiller la bonne croissance fœtale, des échographies morphologiques si la patiente souffre toujours d’obésité pendant sa grossesse, un bilan nutritionnel et une supplémentation nutritionnelle ».  Mais de quelle supplémentation nutritionnelle parle-t-on ? « Systématiquement sauf en cas de chirurgie type déviation, des multivitamines contenant au minimum 10 mg de zinc, 1 mg de cuivre et un maximum de 5 000 UI de vitamine par jour sont indiquées pendant toute la grossesse », souligne le Pr Berveiller. « L’acide folique reste nécessaire à 0,4 mg par jour pendant 12 semaines. » Autre point d’importance : s’assurer « d’apports suffisants en protéines, soit 60 grammes par jour ». Le suivi nutritionnel va être aiguillé en fonction du profil de la patiente : Si le suivi nutritionnel est régulier : il s’agit de « poursuivre la substitution habituelle, d’ajouter l’acide folique, d’adapter la multivitamine si besoin » ; Si la patiente n’est pas très observante sur son suivi nutritionnel : il est conseillé « d’introduire la multivitamine et l’acide folique et d’ajouter des suppléments de façon systématique à un dosage minimal de 50 à 80 mg concernant le fer, de 1 000 µg par jour concernant la vitamine B » En début de grossesse et tous les trois mois ensuite, plusieurs dosages sanguins vont être prescrits : le ionogramme sanguin, les protides totaux, l’urée, la créatinine, la glycémie, l’hémoglobine glycquée, les taux de calcium, de magnésium, de phosphore, de fer, les NFS-plaquettes sanguines, un bilan hépatique, la TP, la CRP, les vitamines A, D et PTH, B1, B9 et B12. Prenons par ailleurs l’exemple de trois situations relevant de l’urgence chez une femme enceinte opérée pour son obésité : L’hyperemesis gravidarum « caractérisé par des épisodes de vomissements au début de la grossesse, favorisés par la chirurgie bariatrique » L´encéphalopathie de Gayet-Wernicke (EGW), urgence neurologique secondaire à une carence en vitamine B1. Elle peut aussi être déclenchée ou aggravée par les apports glucosés IV. Les principaux symptômes relèvent « d’ataxie, de diplopie, de nystagmus, d’épisodes de confusion ». En cas de retard de diagnostic, établi par dosage sanguin et par IRM, il existe un risque de séquelles graves et définitives voire même de décès. Le traitement repose sur la prescription à forte dose de vitamine B1 L’occlusion intestinale par hernie interne qui se traduit par la survenue brutale de douleurs abdominales et/ou d’épisodes de vomissements. La femme peut souffrir d’une nécrose grêlique étendue. Cette situation nécessitera l’avis d’un chirurgien  bariatrique. Césariennes, déclenchement, LOSA, HPPI A l’accouchement, la chirurgie bariatrique lorsqu’elle a eu lieu en amont de la grossesse***, vient diminuer « le risque de césariennes, programmées ou en urgence, d’accouchements instrumentés, de déclenchements du travail, de dépassements de terme, de lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA), de prévention et de prise en charge de l’hémorragie du post-partum (HPPI) ». En post-partum Quelle conduite tenir pendant le post-partum ? Toujours selon le Pr Berveiller, plusieurs réflexes sont à adopter : « Informer le pédiatre surtout si l’état nutritionnel de la mère est mauvais » « L’allaitement peut rester recommandé comme c’est le cas pour toutes les femmes » « La prescription d’un dispositif de contraception reste largement recommandée » Il est possible « d’aborder le sujet de la programmation d’une prochaine grossesse » * l’hypoalbuminémie correspond à un taux d’albumine bas souvent caractéristique d’une atteinte hépatique, d’un état de malnutrition chronique, de pathologies intestinales (maladie de Crohn…), d’une perte protéinique par les reins, des suites d’une chirurgie, de certaines maladies chroniques comme le diabète, de  cancer, d’hypothyroïdie, d’une insuffisance cardiaque ou d’un déséquilibre des taux de sodium

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