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Accouchement VB - Césarienne

Publié le 19 fév 2024Lecture 8 min

Quand faut-il faire naître un fœtus en restriction de croissance ?

Diane KORB, Maternité de l’hôpital Robert-Debré, APHP, Paris
Quand faut-il faire naître un fœtus en restriction de croissance ?

L’enjeu de la décision d’extraction repose sur le fait que le seul traitement du retard de croissance intra-utérin est l’accouchement. Ainsi, la problématique principale est de décider du moment le plus approprié pour la naissance.

Avant terme, il y a deux attitudes possibles : soit l’extraction qui expose l’enfant au risque de prématurité et aux complications liées à cette prématurité, soit l’expectative avec le risque d’acidose sévère avec séquelles neurologiques voire de mort fœtale in utero. Pour répondre à la question du moment le plus approprié pour faire naître un fœtus avec un RCIU, nous disposons de 3 essais randomisés : – le GRIT, publié en 2004 ; – le DIGITAT publié en 2010 ; – le TRUFFLE publié en 2015. GRIT : RCIU entre 24 et 34 semaines d’aménorrhée(1) Le GRIT, article publié en 2004 dans The Lancet, avait pour objectif de comparer l’expectative à l’extraction immédiate en cas de retard de croissance in utero (RCIU). Les auteurs avaient comme rationnel que l’expectative pouvait exposer au risque d’hypoxie in utero mais permettait d’atteindre un meilleur développement cérébral, tandis que l’extraction pouvait exposer le nouveau-né à la prématurité induite et à la paralysie cérébrale liée à celle-ci. Il s’agissait d’un essai contrôlé randomisé pragmatique multicentrique mené dans 69 hôpitaux de 13 pays européens entre 1993 et 2001. Ont été inclus tous les RCIU, qu’il s’agisse d’une grossesse unique ou multiple, entre 24 et 34 semaines d’aménorrhée (SA). Le Doppler ombilical était connu et pouvait être normal ou nul. Les praticiens pouvaient inclure les patientes pour la randomisation s’il y avait une incertitude concernant une indication d’extraction. Les deux groupes de randomisation étaient : – l’extraction différée avec comme critère d’extraction une aggravation de la situation et évaluation de la balance bénéfice-risque en faveur de l’extraction ; – l’extraction immédiate qui devait avoir lieu dans les 48 heures après la randomisation, si possible après la corticothérapie. Protocole Le critère de jugement principal était la mortalité périnatale et le développement neurologique à 2 ans. Ont été incluses 548 femmes : 273 dans le groupe « extraction immédiate » et 275 dans le groupe « extraction différée ». Ainsi, 70 % des patientes avaient reçu une corticothérapie au moment de la randomisation, environ un tiers avaient un Doppler ombilical nul et un tiers un Doppler ombilical diminué. Le délai entre la randomisation et l’extraction était de 0,9 jour dans le groupe « extraction immédiate » et de 4,9 jours dans le groupe « extraction différée ». Concernant les décès, le taux de décès était similaire dans les deux groupes, 10 % versus 9 %. Toutefois, on observait plus de morts fœtales in utero dans le groupe « extraction différée » et plus de décès néonataux dans le groupe « extraction immédiate ». Concernant les résultats à 2 ans, 98 % des enfants ont pu être suivis, et les résultats pour le critère de jugement principal étaient similaires dans les deux groupes avec 81 % d’enfants n’ayant ni décès ni anomalie du développement à 2 ans dans le groupe « extraction immédiate » versus 84 % dans le groupe « extraction différée ». Lors de l’analyse selon l’âge gestationnel de naissance, on observait surtout une morbidité neurologique dans le groupe « extraction immédiate » avant 30 SA avec 10 % de paralysies cérébrales et 10 % de score Griffiths < 70. Les résultats sont donc en faveur d’une extraction différée pour les enfants avant 30 SA. Il apparaît aussi que l’âge gestationnel de naissance est le facteur pronostic majeur néonatal. Lors de l’analyse évaluant le long terme à 6-13 ans de l’acquisition du langage, du comportement et de la motricité, 50 % des enfants ont pu être inclus. Les résultats montraient un handicap et un QI comparables entre les deux groupes. L’étude GRIT présente des limites. En effet, 50 % des femmes éligibles ont pu être incluses ce qui pose la question de la représentativité des femmes incluses et l’extrapolation des résultats. Cela souligne aussi la nécessité d’avoir des cohortes observationnelles pour les femmes non incluses dans les essais randomisés. Conclusion En conclusion du GRIT, le délai de naissance était de 0,9 jour versus 4,9 jours. L’extraction immédiate n’est pas associée à un surrisque de mortalité périnatale. Toutefois, les complications neurologiques semblent augmentées dans le groupe « extraction immédiate » pour les enfants nés avant 30 SA. Il n’y a pas de différence à 6-13 ans. Ainsi, il n’y a pas d’argument pour une extraction immédiate mais différée avant 30 SA. Toutefois, le biais de sélection possible de cette étude doit être souligné. Étude DIGITAT : après 36 semaines d’aménorrhée(2) L’objectif de DIGITAT était de comparer l’effet de l’induction du travail avec une politique de surveillance de la croissance à l’approche du terme. Il s’agissait d’un essai contrôlé randomisé mené aux Pays-Bas dans 52 maternités entre 2004 et 2008. Étaient inclus les singletons en présentation céphalique ayant une suspicion de RCIU entre 36 et 41 SA. Le RCIU était défini par CA ou une EPF < 10e percentile, une cassure de la courbe de croissance. Le Doppler ombilical pouvait être normal ou anormal. Ont été randomisées 650 patientes. Le premier groupe de randomisation était « expectative» jusqu’à la mise en travail spontanée ou l’apparition d’anomalies de la surveillance. Dans ce groupe, la surveillance se faisait par : – compte quotidien des mouvements actifs fœtaux ; – examens hebdomadaires : – Doppler ombilical ; – RCF X 2 ; – pression artérielle ; – protéinurie sur échantillon ; – bilan biologique ; – Doppler ACM : optionnel. L’extraction était décidée au cas par cas, en cas d’anomalie de la surveillance ou pour une autre indication obstétricale. Le second groupe de randomisation était le déclenchement dans les 48 heures suivant la randomisation. Protocole Le critère de jugement principal était un critère composite : – décès néonatal ; – APGAR 5 mn < 7 ; – pH < 7.05 ; – admission en réanimation du nouveau-né. Les critères secondaires étaient : – délai entre l’inclusion et l’accouchement ; – voie d’accouchement ; – morbidité maternelle (hémorragique, hypertensive). Le délai médian, dans le groupe « induction », entre la randomisation et l’accouchement, était de 0,9 jour et dans le groupe « expectative » de 10,4 jours. Le taux de césariennes était de 14 %, similaire dans les deux groupes. La différence de poids entre les deux groupes de randomisation était de 230 g. Toutefois, on observait plus d’enfants nés avec un poids de naissance < 3e percentile dans le groupe « expectative » (30 % versus 12,5 %). Le critère composite de morbidité néonatale était similaire dans les deux groupes 5,3 % versus 6,1 %. Toutefois, on observait plus d’admissions en néonatologie en cas de déclenchement. Une des limites de cette étude est qu’il n’y a pas eu d’exploration du risque de mort fœtale in utero, car il s’agit d’un événement rare. Une autre est que la surveillance était très rapprochée dans le groupe « expectative » du fait de la participation à l’essai. Ces résultats ne peuvent donc être extrapolables qu’en cas de surveillance rapprochée. Une étude secondaire a été réalisée pour étudier les outcomes à 2 ans. 90 % des patientes ont été contactées, et le taux de réponse était de 50 %. Les deux scores de neuro-développement ASQ et comportemental CB, CL étaient similaires dans les deux groupes. Conclusion Ainsi l’étude DIGITAT montre que pour les RCIU au-delà de 36 SA, les complications périnatales sont équivalentes entre une attitude de déclenchement ou d’expectative sans pour autant avoir d’évaluation, par manque de puissance, du risque de MFIU tardive. Ainsi une discussion au cas par cas, au-delà de 37 SA, semble nécessaire. TRUFFLE : VCT ou DV avant 32 semaines d’aménorrhée(3) L’objectif de l’étude TRUFFLE était d’évaluer la place de l’évaluation du ductus venosus (DV) à la place de la VCT pour indiquer une naissance en cas de RCIU avant 32 SA. Il s’agissait d’un essai contrôlé randomisé mené dans 20 centres de niveau 3 dans 5 pays européens entre 2005 et 2010. Il a été inclus 503 fœtus avec un périmètre abdominal < 10e percentile et un Doppler ombilical pathologique entre 26 et 32 SA. Les patientes étaient randomisées dans un groupe de décision extraction selon soit : – anomalie de la VCT (VCT < 3,5 ms avant 29 SA ou < 4 ms après 30 SA) ; – anomalie du DV (IP anormal ou onde diminuée ou nulle), extraction retenue sur ARCF si survenue préalable ou VCT très altérée < 2,6 ms avant 29 SA et < 3 ms après 29 SA ; – DO en reverse flow après 30 SA ou diastole nulle après 32 SA. Protocole Le critère de jugement principal était la survie sans séquelles à 2 ans. Dans les 3 groupes, il y avait un même délai de naissance entre l’inclusion et la naissance. 11 % des accouchements ont eu lieu sur un critère fœtal autre que ceux de l’étude, et 11 % des accouchements ont eu lieu pour une indication maternelle. 30 % des accouchements ont eu lieu après 32 SA selon les protocoles locaux. Conclusion Les résultats montrent plus de décès dans le groupe d’indication d’extraction selon le ductus venosus mais plus de mauvaises issues neurologiques dans le groupe indication d’extraction sur la VCT. Lors de l’analyse, selon l’âge gestationnel à l’inclusion, il y avait plus de décès dans le groupe inclusion avant 29 SA. Les pratiques en France(4) Une enquête rétrospective menée entre 2020 et 2021 auprès de 67 CHU du niveau 3, en France, interrogeait par un questionnaire sur les critères d’indication à la naissance. Le taux de réponse a été de 76 %. Cette étude met en évidence une très grande hétérogénéité des pratiques avec notamment les résultats suivants : – en cas de fœtus en RCIU entre le 3e et le 10e percentile sans cassure et avec un Doppler ombilical normal : 51 % des maternités ne déclenchent pas, 29 % déclenchent à 39 SA, 18 % déclenchent à 38 SA, 8 % déclenchent à 37 SA ; – en cas de RCIU < 3e percentile sans cassure et avec Doppler normal : 51 % déclenchent à 37 SA, 22 % déclenchent à 38 SA et 20 % déclenchent à 39 SA ; – en cas de reverse flow, il y a des accouchements qui ont lieu entre 28 et 39 SA. De même, en cas d’arrêt de la croissance, le terme d’accouchement varie entre 28 et 38 SA. Perspectives L’étude DRIGITAT(5) avait comme objectif d’évaluer si le choix du moment de l’accouchement en fonction du ratio ombilico-cérébral anormal chez les fœtus RCIU prématurés améliorait le neurodéveloppement à l’âge de 2 ans. Il s’agissait d’un essai contrôlé randomisé niché dans une cohorte multicentrique aux Pays-Bas mené en 2018. Il était inclus des singletons entre 32 et 37 SA avec un RCIU et des anomalies du rapport cérébroplacentaire ; les groupes de randomisation étaient déclenchement ou expectative. Cette étude a été arrêtée prématurément en avril 2022 pour un défaut d’inclusion avec seulement 20 % de l’effectif inclus. Nous sommes en attente des résultats à 2 ans. Cette difficulté d’inclusion souligne le fait qu’il sera sans doute très difficile d’avoir des résultats par la suite. L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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