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Gynécologie générale

Publié le 19 mar 2014Lecture 12 min

Prématurité : quels conseils pour la grossesse suivante ?

A. GONZALVES, P.-E. BOUET, P. JEANNETEAU, V. COURTAY, C. DREUX, F. BIQUARD, P. GILLARD, L. SENTILHES, Pôle de gynécologie-obstétrique, CHU d’Angers

Le compte rendu d’hospitalisation et la consultation dans le post-partum sont deux éléments clés pour la prochaine grossesse. En ce qui a trait aux antécédents de retard de croissance intra-utérin et/ou de prééclampsie, le suivi précoce a toute son importance. Une prophylaxie par aspirine dès le début de la grossesse est préconisée à une dose de 75 à 160 mg/j. Un bilan auto-immun et de thrombophilie sera réalisé dans le post-partum en cas de retard de croissance intra-utérin et de prééclampsie sévère et/ou précoce. Concernant la prématurité spontanée, il faudra penser au dépistage mensuel de la vaginose bactérienne et à la prophylaxie par progestérone, et discuter de l’intérêt d’un cerclage.

Une nouvelle grossesse après un accouchement prématuré est souvent une situation anxiogène pour la femme enceinte mais aussi pour son gynécologue. En effet, un antécédent d’accouchement prématuré est un facteur prédictif important de récidive pour une prochaine grossesse. Cette grossesse devrait donc être anticipée et préparée ! La pratique nous montre que malheureusement, dans un nombre important de cas, la patiente ne consulte que tardivement dans le cadre d’une récidive de menace d’accouchement prématuré, où l’heure n’est plus à la prévention. Plusieurs difficultés peuvent être rencontrées. D’une part, il existe de très nombreux intervenants : patientes transférées in utero avec une prise en charge dans plusieurs maternités, suivi avant l’accouchement par un gynécologue médical, par le médecin traitant ou par une sage-femme libérale, suivi à la maternité et prise en charge de l’accouchement effectuée par des sages-femmes ou des gynécologues différents. Par ailleurs, le dossier est souvent fragmenté entre plusieurs services, parfois mal tenu, incomplet, avec des résultats provenant de différents laboratoires (bactériologie, virologie, anatomo-pathologie) qui ne sont souvent adressés qu’au seul prescripteur. Le gynécologue qui effectue la consultation postnatale n’est pas toujours celui qui a pris en charge l’accouchement prématuré, et souvent n’est pas en possession de l’ensemble du dossier. Deux éléments sont donc capitaux et conditionnent la bonne prise en charge future de ces patientes : le compte rendu d’hospitalisation et la visite postnatale.   Le compte rendu d’hospitalisation C’est un élément capital du dossier, sa rédaction doit être systématique et particulièrement soignée. Il doit être très détaillé, être adressé à tous les correspondants et comporter les points suivants : – l’histoire clinique initiale volontairement détaillée afin que les correspondants puissent se faire leur propre idée de l’étiologie de la prématurité ; – la prise en charge réalisée ; – l’évolution au cours de l’hospitalisation et les événements éventuels ayant conduit à une prématurité ; – les examens réalisés en cours d’hospitalisation et leurs résultats ; – le bilan prescrit en externe et les rendez-vous prévus en post-partum. La consultation du post-partum La consultation du post-partum ou visite postnatale est le moment clé pour la grossesse ultérieure. Malheureusement, de nombreuses patientes ne viennent pas à cette consultation, même lorsque le rendez-vous a été programmé durant l’hospitalisation et avant le retour à domicile. Afin d’inciter les patientes à se présenter à la visite postnatale, il convient de leur expliquer l’importance de cette consultation avant la sortie de la maternité : la visite postnatale permet à l’obstétricien de récupérer les résultats des examens complémentaires, de réaliser l’examen clinique à distance de l’accouchement (test à la bougie), d’exposer à la patiente l’étiologie la plus probable (si une étiologie prédomine) à l’origine de l’accouchement prématuré et, enfin, de proposer d’éventuels traitements préventifs pour une grossesse ultérieure (aspirine, progestérone, cerclage). Si la patiente ne se présente pas à la consultation, il faudra la contacter et lui proposer un second rendez-vous. C’est une consultation qui peut parfois être longue.   Consultation du post-partum – Récupérer le compte rendu d’hospitalisation et les résultats des examens pré- et postnataux. – Émettre une hypothèse sur l’étiologie de la prématurité. – Donner une conduite à tenir pour une grossesse ultérieure. – Rédiger un courrier de synthèse à adresser à tous les correspondants.   Prématurité induite/prématurité spontanée Bien évidemment, les conseils à donner diffèrent en fonction de la cause de la prématurité. La prématurité induite est principalement liée à des complications vasculaires – retard de croissance intra-utérin (RCIU), prééclampsie (PE), hématome rétroplacentaire (HRP)–, aux complications hémorragiques des placentas prævia, etc.   Bilan étiologique d’un RCIU On devra tout d’abord s’attacher à rechercher l’étiologie du RCIU en récupérant le bilan réalisé en pré- et postnatal : bilan infectieux, morphologique, caryotype/bilan génétique, recherche de prise de toxiques (tabac, alcool, etc.), récupérer l’examen anatomopa-thologique du placenta, rechercher une précarité, malnutrition, et le devenir postnatal, etc. Souvent, le bilan étiologique est négatif – à condition de l’avoir fait – et on considère le RCIU idiopathique comme vasculaire, mais il faudra tenir compte de l’importance du terrain et des facteurs de risque de la patiente pour orienter vers cette origine vasculaire. Pour les RCIU non vasculaires, les conseils sont à adapter en fonction de l’étiologie. Conseils en cas de PE précoce et sévère et/ou de RCIU vasculaire   Définition(1) La PE sévère est définie par la présence d’au moins l’un des critères suivants : – hypertension sévère (PAS > 160 mm Hg et/ou PAD > 110 mm Hg) ; – atteinte rénale avec oligurie (<500 ml/24 h), ou créatinine> 135 µmol/l, ou protéinurie > 5 g/j ; – œdème aigu pulmonaire ou barre épigastrique persistante ou HELLP syndrome; – éclampsie ou troubles neurologiques rebelles (troubles visuels, ROT polycinétiques, céphalées) ; – thrombopénie <100 G/l ; – hématome rétroplacentaire ou retentissement fœtal. On considère la PE comme précoce quand elle survient avant 32 SA.   Bilan dans le post-partum Selon les recommandations de la SFAR de 2009(1) sur la PE, on réalisera le bilan suivant à 3 mois en cas de PE précoce ou sévère. • Un bilan auto-immun et une recherche de syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL). Celui-ci a un intérêt pour la mère (dépistage d’une maladie auto-immune et surveillance de complications éventuelles, mise en place d’un suivi spécialisé et d’un traitement spécifique, etc.) et pour la future grossesse (prévention de la récidive par HBPM en cas de SAPL, risque de bloc atrioventriculaire chez le fœtus en cas d’anticorps anti-SSA ou SSB positif, etc.). • Un bilan de thrombophilie est très souvent réalisé systématiquement, mais la SFAR le recommande seulement en cas d’antécédents personnels ou familiaux de maladie veineuse thromboembolique, de PE précoce, d’association à un RCIU sévère, à un HRP ou à une mort fœtale in utero. Celui-ci a un intérêt possible pour la mère (prévention des complications thromboemboliques veineuses dans le post-partum et la grossesse en cas de thrombophilie), mais son intérêt est de plus en plus décrié dans la littérature(2), car il semble très limité pour l’enfant : en cas de thrombophilie, la prise en charge de la grossesse suivante pour diminuer la morbidité fœtale ne sera pas modifiée, c’est-à-dire que seuls les antiagrégants plaquettaires seront prescrits. • Un bilan clinique et biologique (pression artérielle, numération sanguine, bilan hépatique, ionogramme sanguin et protéinurie des 24 h). Il est préconisé de prendre un avis néphrologique en cas de persistance de la protéinurie ou de l’HTA à 3 mois. Un suivi spécialisé précoce (avant 14 SA) est recommandé pour les grossesses ultérieures, chez toute femme aux antécédents de PE précoce. Il est recommandé de surveiller l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire, rénal et métabolique au long cours après une PE sévère. Bilan biologique à 3 mois en cas de PE sévère ou précoce : – Anticorps antinucléaires. – Recherche de SAPL avec anticorps anticardiolipines, anticoagulant circulant lupique et anti-bêta 2 glycoprotéine 1. – Bilan de thrombophilie : déficit en antithrombine III, mutation protéines C et S, mutation facteur V Leiden, mutation facteur II 20210G A, homocystéinémie. – NFS plaquettes, bilan hépatique, ionogramme sanguin et créatinémie. – Protéinurie des 24 h.  Règles hygiéno-diététiques et place de la prophylaxie Pour la prévention du RCIU, il faut insister sur l’importance de l’arrêt du tabac mais aussi sur la prévention de la surcharge pondérale, l’importance de maîtriser la prise de poids pendant la grossesse et de la perte de poids entre deux grossesses par une alimentation équilibrée. La supplémentation calcique à dose de 1,5 g/jour a montré son intérêt en cas de carence avérée(1). Il n’a pas été montré d’efficacité de réaliser à titre systématique un repos, ou un arrêt de travail, ou une supplémentation par anti - oxydants (vitamines C et E). • La prophylaxie par aspirine La prophylaxie par aspirine à la dose de ti5 à 160 mg/jour (en pratique, nous utilisons la dose de 100 mg) a prouvé son efficacité(3) en réduisant d’environ 10 % le risque de récidive de PE, de RCIU et de prématurité. La prophylaxie doit être débutée le plus tôt possible, dès le diagnostic de grossesse connu. Il n’y a pas d’intérêt à l’introduire après 16-18 SA(3). • La prophylaxie par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) La réalisation systématique d’une anticoagulation préventive par HBPM n’a pas montré son efficacité dans la prévention de la PE(1). Les HBPM ont clairement leur place en cas de SAPL clinique ou biologique, à dose curative en cas d’antécédents personnels de thrombose, à dose préventive en l’absence d’antécédents de thrombose(4). Cependant, leur indication peut être discutée en présence d’un RCIU particulière- ment sévère et précoce avec un bilan étiologique négatif. Prise en charge de la nouvelle grossesse En cas d’antécédents de PE, les recommandations de la SFAR en 2009 sont les suivantes : si le déroulement actuel de la grossesse est normal, il est possible que le suivi soit effectué par les professionnels de proximité sous couvert d’une consultation préalable du gynécologue-obstétricien, idéalement pré-conceptionnelle, donnant lieu à des recommandations écrites pour le suivi de la femme. À titre personnel, nous pensons qu’il est important que la patiente ait une consultation avec un gynécologue-obstétricien au 1er trimestre. Prise en charge de la nouvelle grossesse après RCIU et/ou PE : – Suivi précoce par un gynécologue. – Aspirine 100 mg dès le diagnostic de grossesse jusqu’à 34 SA révolues. – HBPM en cas de SAPL. – Calcium (ATCD de PE): 1,5 g/j uniquement en cas de carence calcique avérée. – Échographie obstétricale et Dopplers: tous les mois à partir de 18 SA. – Dépistage hebdomadaire d’une protéinurie à la bande- lette urinaire si antécédent de PE à débuter selon l’âge gestationnel d’apparition du cas index. Hématome rétroplacentaire En cas d’hématome rétroplacentaire isolé, sans PE associée, sans autre étiologie retrouvée, il n’y a pas lieu de proposer une thérapeutique préventive. Il faudra en revanche insister sur la nécessité d’un sevrage tabagique. Prématurité spontanée Quelques règles simples Pour prévenir la récidive, comme dans les autres étiologies, le tabac étant un facteur de risque majeur de prématurité, veiller à l’obtention d’un sevrage tabagique. En cas de nécessité de recours à la procréation médicalement assistée, il faudra prendre toutes les précautions nécessaires afin de diminuer le risque de grossesse gémellaire. Il faudra réaliser un dépistage mensuel de la vaginose bactérienne selon les recommandations(5) dans tous les cas de prématurité spontanée. En cas de prélèvement vaginal révélant une vaginose bactérienne, le traitement devra faire appel à du métronidazole, à raison de 500 mg par voie orale 2 fois/jour pendant 7 jours, ou à de la clindamycine, à raison de 300 mg par voie orale 2 fois/jour pendant 7 jours (surtout avant 20 SA). Le traitement topique (par voie vaginale) n’est pas recommandé à cette fin. Un nouveau dépistage devrait être effectué un mois après le traitement. Place de la progestérone L’intérêt de la progestérone dans la prévention de l’accouchement prématuré justifierait à elle seule un chapitre entier, que nous ne pouvons malheureusement pas détailler ici. En résumé, plusieurs études ont montré une diminution significative du risque d’accouchement prématuré chez les patientes avec un antécédent d’accouchement prématuré traitées par progestérone. Les galéniques utilisés et les schémas de traitement varient. Même si les résultats de l’étude de Meis et coll. restent controversés(6), nous prescrivons, à titre personnel, la progestérone selon leur protocole. Progestérone en cas d’antécédent d’accouchement prématuré(6) – 250 mg 1 fois/semaine de 17 OH progestérone par voie intramusculaire à débuter entre 16-20 SA jusqu’à 34 SA.  Incompétence cervico-isthmique et cerclage Il est conseillé de réaliser un cerclage préventif quand on suspecte comme cause de l’accouchement prématuré une incompétence cervico-isthmique. Quand la béance n’est pas évoquée… le cerclage n’est pas indiqué… A priori, l’incompétence cervico-isthmique n’est pas évoquée quand une autre étiologie est retrouvée à l’accouchement : – en cas de cause iatrogène telle que les prélèvements invasifs fœtaux (grossesse avec DIU en place…) ; – en cas de causes fœtales ou annexielles (hydramnios, grossesses multiples, etc.) ; – le dépistage mensuel de la vaginose bactérienne est nécessaire dans tous les cas de prématurité spontanée. Cependant, en cas d’antécédent de chorioamniotite à membranes intactes ou rompues, ce dépistage sera particulièrement important. La vaginose devra être dépistée dès le début de la grossesse et traitée comme décrit plus haut ; – les autres causes infectieuses : appendicite, pyélonéphrite, cholécystite, infection urinaire, abcès dentaire, etc. Quand l’incompétence cervico-isthmique est suspectée… Le diagnostic d’incompétence cervico-isthmique est facilement retenu en cas d’histoire clinique évocatrice : accouchement sans contractions ressenties, patiente arrivée avec une poche des eaux dans le vagin, accouchement à un âge gestationnel précoce (fausse couche tardive ou accouchement très prématuré) sans autre étiologie retrouvée. On évoquera aussi une incompétence cervico-isthmique devant certains antécédents. On recherchera par un interrogatoire minutieux un traumatisme cervical : conisation chirurgicale, interruption volontaire de grossesse tardive – en particulier réalisée dans des conditions inconnues ou douteuses : ex. : Afrique –, curetage aspiratif difficile, exposition au distilbène. Une échographie du col en cours de grossesse montrant un raccourcissement anormal de celui-ci (< 15 mm) ou une protrusion de la poche des eaux à travers l’orifice interne cervical sera également en faveur du diagnostic. Historiquement, la visite postnatale est l’occasion de dépister l’incompétence cervico-isthmique par le test à la bougie de Hégar no8 (à réaliser en deuxième partie de cycle) et l’hystérosalpingographie. Leur intérêt n’a jamais été démontré et est actuellement discuté. On pourra cependant s’appuyer sur ces deux examens pour essayer de préciser le diagnostic – difficile – d’incompétence cervico-isthmique. Sur l’hystérosalpingographie réalisée à 2 mois de l’accouchement, on recherchera un défilé cervical large (10 mm sur cliché de profil) ou plus familièrement « un col en cheminée ». Elle permettra aussi de dépister une malformation utérine. … le cerclage est indiqué L’indication du cerclage et le moment de sa réalisation dépendent de l’histoire clinique des patientes. L’indication classique du cerclage est de 3 antécédents de fausse couche tardive ou d’accouchement prématuré, car l’intérêt du cerclage a été essentiellement prouvé dans cette situation(7,8). Cependant, la plupart des gynécologues s’accordent à le proposer à partir de 2 antécédents. On pourra réaliser alors un cerclage préventif à 14-15 SA. En cas d’antécédent de fausse couche tardive et de découverte échographique d’un col modifié entre 14-20 SA, on pourra discuter d’un cerclage thérapeutique à 18-19 SA(8). En cas de menace de fausse couche tardive sans antécédent, on pourra discuter d’un cerclage à chaud entre 20 et 24 SA. Le cerclage à chaud est un cerclage difficile, nécessitant un apprentissage et du matériel adapté. Il semble cependant permettre une amélioration du pronostic de ces patientes(8). Enfin, en cas d’antécédent de fausse couche tardive malgré un cerclage préventif, on réalisera un cerclage cervico-isthmique à 15 SA lors de la grossesse ultérieure(9). La technique de McDonald- Hervet est à privilégier (pour les cerclages préventifs et thérapeutiques) comparativement au cerclage de Shirodkar, qui est plus morbide sans réel bénéfice démontré(8). Le cerclage cervico-isthmique définitif sera réalisé de manière préférentielle par voie vaginale à l’aide d’une bandelette de polypropylène selon la technique décrite par H. Fernandez(9). On réservera cette technique aux cas d’échec du cerclage conventionnel.

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