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Gynécologie de l'adolescente

Publié le 05 fév 2009Lecture 8 min

Comment aborder la sexualité en consultation avec l’adolescent ?

P. JACQUIN, Paris

La rencontre avec l’adolescent sur le sujet de la sexualité est délicate et s’avère souvent décevante et frustrante, notamment lorsqu’elle se résume à une tentative d’information sexuelle et de prévention. Face à un discours d’adulte perçu comme un rabâchage, l’adolescent ne se sent pas concerné, et le médecin se demande s’il ne perd pas son temps.

Le contexte : sexualité et sexualisation à l’adolescence Pour éviter les déconvenues, il est préférable de réfléchir au préalable aux enjeux d’un tel sujet et aux objectifs que l’on poursuit. La question de la sexualité est bien au coeur de l’adolescence, et ne pas en parler serait regrettable. Mais elle se pose de façon très différente pour l’adolescent(e) et pour les adultes qui l’entourent, parents, soignants, éducateurs. À ce décalage intergénérationnel s’ajoute un brouillage lié au contexte culturel contemporain dans lequel le sexe est affiché et omniprésent, objet de consommation, signe de réussite sociale, et à l’opposé de toute sa dimension intime que nous souhaitons approcher. De même, la large diffusion de la pornographie, qui touche des enfants de plus en plus jeunes, perturbe plus ou moins fortement les représentations de la sexualité.   Préoccupation de l’adolescent La sexualisation est un processus central de l’adolescence, qui conduit au développement d’un jeune homme ou d’une jeune femme qui se reconnaît tel. À la fois physique, psychique et sociale, elle se construit au travers d’interrogations récurrentes sur soi et d’expérimentations de capacités nouvelles. Les transformations corporelles de la puberté, mais aussi l’excitation, les pulsions et le plaisir, sont sans cesse traversés par la question de la normalité et de l’identité, mais aussi par celle des limites à franchir ou non. Les références extérieures et le regard des autres jouent un rôle essentiel. D’un côté, il y a le groupe des pairs qui définit la « norme », et de l’autre, les parents porteurs d’attentes, d’héritage, d’inquiétude liée à la séparation d’avec eux. Dans ce contexte, la sexualité génitale et l’acquisition des fonctions reproductives ne sont pas, loin s’en faut, en permanence au premier plan des préoccupations des jeunes. Préoccupation des adultes Les préoccupations premières des adultes concernant la sexualité des adolescents sont assez pragmatiques et directes : la prévention des grossesses (il n’est même pas question qu’elles soient désirées ou non) et celle des infections sexuellement transmissibles (IST). De façon plus large, l’objectif est la préservation d’un avenir de bonne qualité, dans lequel sexualité, amour et reproduction seraient harmonieusement liés. Cet abord mêle d’authentiques objectifs de prévention individuelle avec des normes sociales et des règles morales personnelles. Il procède d’une idée construite, voire d’une idéalisation de la sexualité, et ne tient pas compte de l’apprentissage que représente l’adolescence : conduites d’essais et possibilités d’erreurs, nécessité de temps de maturation. Les adultes ont souvent une vision construite idéale de la sexualité. Tout ceci constitue autant d’écueils et de malentendus potentiels faisant obstacle à la rencontre entre l’adulte et l’adolescent. Si tout le monde est d’accord pour parler de prévention, n’oublions pas que ce terme a plusieurs sens, comme entre autres celui de préjugé négatif : ne pas confondre prévention dans le domaine de la sexualité et prévention de la sexualité.   Pourquoi aborder la sexualité, et pourquoi faire ?   Le premier objectif du médecin peut être celui d’une aide à la réflexion, basée sur la réponse aux interrogations de l’adolescent sur son corps et sur ce qu’il ressent.   Prendre soin de son patient, lui manifester de l’intérêt, notamment en matière de sexualité comme pour d’autres sujets, c’est l’aider à prendre soin de lui : préserver et développer l’estime de soi, notion particulièrement fragile à l’adolescence, et au-delà, à respecter l’autre.   Passer de la notion de connaissances à celle de compétences. Plutôt que répéter aux jeunes des notions dont ils disent être « gavés », il est nécessaire de les aider à pouvoir s’en servir, à faire des choix en fonction de leurs besoins. Concrètement, il faut pouvoir donner les informations, les conseils et les traitements éventuels correspondant aux besoins de l’adolescent que l’on a en face de soi (tableau).   Objectifs de la consultation en matière de sexualité. • Pouvoir s’exprimer sur soi : ses sentiments, ses émotions, son corps, sa physiologie, etc. • Pouvoir choisir d’avoir ou de ne pas avoir de rapports sexuels. • Choisir un moyen de contraception adapté à soi, savoir l’utiliser correctement (préservatif, pilule, etc.) • Savoir se procurer la contraception d’urgence. Connaître ses droits en matière d’IVG. • Sortir du silence en cas d’abus sexuel. • Savoir penser aux risques d’IST et connaître la possibilité des diagnostics et du « test » du VIH. • Connaître les numéros verts pour avoir de l’aide et des conseils en matière de sexualité et contraception   Comment en parler ? Dans le cadre d’une consultation, il est nécessaire de recevoir l’adolescent seul au moins une partie du temps, et d’annoncer clairement la confidentialité de l’entretien. La présence des parents est nécessaire dans certains cas, ou préférée par des adolescents plus jeunes, mais le contenu de la consultation n’aura bien entendu pas la même étendue et portée. Il peut être toutefois intéressant de signifier à l’adolescent devant ses parents qu’il entre dans un nouvel âge, où des questions concernant le développement sexuel et la sexualité pourront ultérieurement se poser de façon confidentielle avec le médecin. Il ne s’agit certainement pas d’aborder systématiquement les différents points du tableau avec tous les adolescents ! Cette liste non exhaustive constitue un éventail des questions qui peuvent se rencontrer autour de la sexualité. Elles ne seront utiles et utilisables que si elles correspondent à un besoin de l’adolescent, en fonction de ses expériences et du stade où il en est. Cette nécessaire évaluation de ses besoins en matière de sexualité s’intègre parfaitement dans l’approche globale de la médecine de l’adolescent. Le pédiatre, se basant sur l’observation du développement normal et la physiologie, dispose d’un accès très naturel aux questions sexuelles . Après une anamnèse élargie au mode de vie et aux expériences de l’adolescent, l’examen clinique est l’occasion de constater et de commenter la croissance, la puberté et le développement sexuel. Il est alors assez simple de l’interroger sur la sexualité, la masturbation ou les rapports sexuels, dans l’optique de le situer sur une trajectoire. Où en est-il ? Comment ça marche ? sont dans ce contexte des questions sans doute moins intrusives et moins voyeuristes que lorsqu’elles sont posées immédiatement après la question des relations amoureuses. De même, la question du projet ou du désir d’enfant n’est pas déplacée, elle est même souvent un préalable logique à l’abord de la contraception : « Avez-vous déjà eu envie ou peur d’une grossesse ? » Cette approche « physiologique » est facilitée par l’emploi de questions qui se réfèrent au groupe des pairs : « Les jeunes de ton âge disent que […], s’interrogent souvent sur la longueur de leur sexe, se demandent comment ça marche ou si c’est normal […], qu’en pensent tes amis ?... » Mais il est essentiel d’en revenir ensuite à ce que l’adolescent qu’on a en face de soi ressent, et de souligner l’importance que représente son intimité. En particulier en matière de choix et de plaisirs sexuels, le médecin ne peut qu’aider le jeune à réfléchir à ses sentiments et émotions, avec le seul souci de préserver son estime de soi, toujours dans une optique de construction d’un avenir personnel.   La sexualité de l’adolescent et les autres Cette réflexion doit intégrer la place de l’autre, souvent oubliée lorsqu’on est dans le cadre d’une consultation avec un adolescent seul. On connaît l’importance du groupe des pairs : leurs commentaires et leurs expériences sont une source utile d’informations et de réflexion pour se situer soi-même, à condition de ne pas trop dépendre de la norme. « Tout le monde le fait » : est-ce une raison suffisante ? La place du partenaire n’est pas non plus évidente. Elle peut sembler bien secondaire chez l’adolescent pour lequel le besoin de vérifier ou de tester ses nouvelles possibilités est au premier plan. Des questions sont utiles : en avez-vous parlé ensemble, que pense t- il (elle) ? Quelles différences dans les attentes de chacun ? Les parents, tout au long du processus de sexualisation, occupent une place essentielle dans la tête de l’adolescent, si ce n’est dans la réalité. Si l’abord de la sexualité avec l’adolescent ne se conçoit pas en leur présence, il est nécessaire d’aider l’adolescent à réfléchir à ce que signifie son accès à la sexualité comme changement de statut vis-à-vis d’eux : qu’en savent-ils ? est-il envisageable de leur en parler ? d’autres membres de la famille peuvent-ils servir de témoin dans cet espace intergénérationnel ?   Avoir un minimum de compétences médicales Répétons-le, l’approche de la sexualité est par définition à géométrie variable, suivant les besoins et l’évolution de l’adolescent concerné. Mais encore faut-il avoir les moyens de répondre aux questions que l’on suscite, et ne pas se contenter d’ouvrir ce sujet sensible sans avoir d’autres renseignements que des adresses à donner. L’adolescent réfléchit plus souvent dans l’immédiateté que dans la planification ; nous ne devons pas rater l’occasion d’agir au bon moment. Cela suppose de savoir concrètement expliquer, conseiller et prescrire, le cas échéant, une contraception ou un bilan d’IST. Il est souhaitable de disposer de quelques échantillons ou autres supports didactiques, et de connaître quelques pilules de base. Signalons par exemple la méthode du quick-start qui consiste à faire commencer la pilule le jour même de la consultation, à condition de respecter les rares vraies contre-indications. C’est une méthode validée, efficace dès le 8e jour, souvent préférable à l’attente du premier jour des prochaines règles, voire à l’attente du bilan biologique de la consultation de gynécologie. Si parler de sexualité n’est pas incitateur, le sujet exige un cadre clair. La confidentialité annoncée doit être respectée et le positionnement suffisamment professionnel pour éviter les risques de maladresse, d’intrusion ou de dérapage moralisateur ou séducteur. Parler de sexualité exige un cadre clair. Conclusion L’abord de la sexualité en consultation avec l’adolescent est une démarche correspondant à notre mission de santé globale. Le médecin n’est pas seulement dans une position d’écoute, ni limité à dispenser des messages de prévention. Il aide l’adolescent à se situer dans son développement et lui apporte le cas échéant des réponses correspondant à ses besoins de santé. Il pose des questions précises, examine et commente, et doit savoir répondre aux interrogations qu’il suscite. Les différents « temps » de l’adolescence, temps de maturation, mais aussi urgence du passage à l’acte, constituent la toile de fond de cet échange.

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