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Cardio - HTA - pré-éclampsie

Publié le 13 juin 2018Lecture 9 min

Les marqueurs prédictifs de la prééclampsie

Julie ANTOMARCHI, Nice

La prééclampsie se définit par l’association d’une hypertension artérielle systolique ≥ 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique ≥ 90 mmHg et d’une protéinurie > 0,3g/24 H de novo, après 20 semaines d’aménorrhée (SA)(1).

Elle est la 4e cause de mortalité maternelle en France, après les hémorragies de la délivrance, l’embolie amniotique et les pathologies thromboemboliques. L’enquête de périnatalité française a montré que 2,1 % des grossesses ont été compliquées de prééclampsie et 2,8 % d’hypertension artérielle gravidique.

Cette pathologie est une préoccupation quotidienne des équipes obstétricales et pédiatriques. En effet, la gravité de la prééclampsie réside dans la possibilité d’apparition de complications maternelles sévères (HELLP syndrome, éclampsie, trouble de l’hémostase, hématome rétro-placentaire, œdème aigu du poumon, œdème papillaire, décès) et périnatales (hypotrophie, prématurité induite, décès in utero). Le seul traitement curatif est actuellement l’extraction fœtale permettant l’extraction du placenta, qui est à l’origine de cette pathologie. Avant 34 SA, l’expectative est possible selon la gravité de la maladie pour prolonger la grossesse et diminuer la morbidité néonatale liée à la prématurité.

Il apparaît donc essentiel de développer et de mettre en place des outils prédictifs de prééclampsie et également des outils pronostiques pour prévenir et anticiper les formes graves.

Des biomarqueurs ont été identifiés, certains semblent prometteurs car ils sont corrélés à la sévérité de la pathologie et leurs taux sériques sont anormaux bien avant l’apparition des anomalies cliniques et biologiques. Parmi ces marqueurs, le PlGF (placental growth factor) et son récepteur soluble semblent être les plus pertinents(2).

Physiopathologie de la pré-éclampsie Les causes de la prééclampsie ne sont pas encore entièrement élucidées à ce jour. On sait néanmoins qu’un défaut d’invasion trophoblastique joue un rôle prépondérant et qu’il en découle une vascularisation utéroplacentaire inadéquate. Cette dysfonction placentaire est responsable de la libération dans la circulation maternelle de facteurs d’origine trophoblastique qui sont responsables de l’atteinte endothéliale générale retrouvée chez les femmes pré-éclamptiques. Défaut de remodelage vasculaire utérin La placentation se produit via un processus d’invasion de la partie superficielle de l’utérus (décidue et myomètre) par des cytotrophoblastes extravilleux. Cette invasion trophoblastique est orientée vers les artères spiralées de l’utérus. L’invasion de la paroi artérielle qui en découle va conduire à la disparition totale de la tunique musculaire lisse artérielle et des cellules endothéliales maternelles qui sont remplacées par des cytotrophoblastes extravilleux (Figure 1). Figure 1. Schéma d’invasion trophoblastique et remodelage vasculaire utérin. Au cours de la prééclampsie, l’invasion trophoblastique est altérée(3). En effet, si l’invasion de la portion interstitielle est relativement conservée, l’invasion des artères utérines est fortement diminuée. À ce défaut d’invasion des artères maternelles s’ajoute un défaut de leur remodelage par les cytotrophoblastes extravilleux. Ainsi, les artères lors de la prééclampsie ont un diamètre plus petit et conservent leur potentiel vasoconstricteur. Ce phénomène est à l’origine de l’hypoxie placentaire et d’un stress oxydant responsables d’un dysfonctionnement généralisé du syncytiotrophoblaste. Il va alors en découler la libération de diverses substances (sFlt-1, radicaux libres, cytokines) qui va entrainer un dysfonctionnement de l’endothélium maternel conduisant aux signes cliniques, échographiques et biologiques de la maladie (Figure 2). Figure 2. Les différents mécanismes et stades de la prééclampsie d'après [4]. CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; HTA : hypertension artérielle ; MFIU : mort fœtale in utero ; RCIU : retard de croissance intra-utérin ; SF : souffrance fœtale. Le cytotrophoblaste extravilleux sécrète des facteurs angiogéniques qui sont impliqués dans le remodelage vasculaire. Parmi les facteurs angiogéniques sécrétés, les principaux sont le VEGF (Vascular epidermial growth factor) et le PlGF (Placental growth factor). Ces facteurs ont pour principale fonction de réguler la vasculogénèse, d’induire la prolifération cellulaire et l’angiogénèse, et d’augmenter la perméabilité vasculaire. Ils agissent via 2 principaux récepteurs VEGFR-1 (également appelé Flt-1) et le VEGFR-2 (également appelé Flk-1). Il existe également des formes solubles de ces 2 récepteurs, la forme la plus connue et la plus étudiée est le sFlt-1, qui joue un rôle essentiel dans la prééclampsie(4). Le sFlt-1 se lie au VEGF et au PlGF circulant et inhibe ainsi leur fixation aux récepteurs transmembranaires. Il joue donc un rôle d’antagoniste du VEGF et du PlGF et est à ce titre un facteur anti-angiogénique. Il a été montré que le sFlt-1 joue un rôle physiologique important, car il s’oppose aux effets délétères d’un excès de PlGF ou de VEGF (HTA, néphropathie glomérulaire). L’équilibre entre les formes pro-angiogéniques (VEGF et PlGF) et anti-angiogéniques (sFlt-1) est essentiel pour le bon déroulement de la grossesse. Un déséquilibre entre ces 2 facteurs va entrainer des troubles de la fonction endothéliale et être à l’origine des symptômes et complications de la prééclampsie (Figure 3). Figure 3. Déséquilibre des facteurs angiogéniques dans la pathogénèse de la prééclampsie. Lors d’une grossesse normale, le PlGF augmente au cours des deux premiers trimestres, puis diminue jusqu’à la fin de la grossesse. En revanche, la concentration en sFlt-1 demeure constante en début et milieu de grossesse et augmente vers la fin. Les patientes présentant une prééclampsie présentent des valeurs de PlGF basses et des concentrations en sFlt-1 élevées(2) (Figure 4). Figure 4. Évolution des concentrations de PlGF et sFlt-1 au cours de la grossesse, avec et sans prééclampsie. Modifié d’après(2). Les biomarqueurs disponibles • La PAPP-A (Protéine plasmatique placentaire A) Il s’agit d’une protéase produite par le cytotrophoblaste et sécrétée dans le sang maternel. Elle constitue un marqueur précoce du défaut d’implantation et de développement placentaire. Déjà bien connue pour son rôle dans le dépistage de la trisomie 21, la PAPP-A a été identifiée comme un marqueur précoce de la prééclampsie avant 16 SA. L’étude de Ranta et al(5), a permis de fixer un seuil de risque de prééclampsie pour une PAPP-A à 0,4 MoM. • Le PlGF (Placental growth factor) Le PlGF est un facteur de croissance pro-angiogénique de la famille du VEGF. En se liant à son récepteur membranaire VEGF-R1, le PlGF joue un rôle essentiel dans le développement vasculaire fœto-placentaire. Marqueur princeps de la prise en charge de la prééclampsie il est informatif tout au long de la grossesse. Ses performances prédictives et diagnostiques sont significativement augmentées en le combinant à d’autres marqueurs : la PAPP-A et le sFlt-1. • Le sFlt-1 (Fraction soluble du récepteur VEGF-R1) Il s’agit d’un facteur anti-angiogénique associé à un écourtement de la grossesse. Il correspond à la fraction extracellulaire du récepteur VEGF-R1. Cette fraction est dite soluble car elle circule librement dans le sang maternel. Le sFlt-1 capte le PlGF libre circulant et l’empêche ainsi de se lier à son récepteur VEGF-R1 et inhibe alors son action pro-angiogénique (Figure 3). Quel intérêt en pratique pour ces biomarqueurs ? Dépistage précoce au 1er trimestre L’objectif d’un dépistage précoce de la prééclampsie est de mettre en œuvre des mesures préventives à savoir l’instauration d’un traitement par Aspirine avant 16 SA et un suivi rapproché. Figure 5. Éléments pris en compte par le logiciel pour le calcul de risque de prééclampsie au 1er trimestre. Grâce à l’élaboration d’un algorithme intégrant : les antécédents cliniques, la pression artérielle moyenne, l’index de pulsatilité des artères utérines et les dosages des biomarqueurs PAPP-A et PlGF, les laboratoires peuvent à l’aide d’un logiciel calculer le risque de prééclampsie (Figure 5). Dans l’étude princeps, cet algorithme permettait d’obtenir un taux de détection de 93,1 % pour la prééclampsie précoce avec un taux de faux positif de 5 %. Mais cette étude comportait certains biais pouvant accroitre artificiellement la performance du test. Des travaux ont montré que la performance d’un tel dépistage est médiocre en population à bas risque, car elle génère trop de faux positif(6). Une importante étude européenne évaluant l’intérêt d’un traitement par Aspirine chez des patientes identifiées à risque par un dépistage de la prééclampsie au 1er trimestre (risque > 1/100) vient d’être publiée(7). Il apparaît que le traitement par Aspirine ne permet pas de diminuer le taux global de prééclampsie. Cette publication ne permet pas pour le moment de démontrer l’intérêt d’un dépistage de la prééclampsie au 1er trimestre. Ce test pourrait éventuellement être proposé à des patientes identifiées à « haut risque » de prééclampsie. On considère à risque de prééclampsie les patientes présentant les facteurs de risques suivants(8) : Syndrome des Ac anti-phospholipides, Maladie de système auto-immune (lupus), Pathologie rénale et/ou hépatique, Antécédent de prééclampsie, Nulliparité, Grossesse multiple, IMC > 30, Diabète de type 2, Age < 18 ans ou > 40 ans, Hypertension artérielle chronique, Antécédent de RCIU vasculaire, Antécédent de maladies cardio-vasculaires, Profil anormal des marqueurs de trisomie 21 : PAPP-A basse (< 0,4 MoM) et B-hCG élevée (> 5 MoM). La prédiction d’issues défavorables en cas de symptômes débutants L’objectif d’une stratégie prédictive est d’anticiper la prise en charge des patientes avec une suspicion de prééclampsie, dès les premiers symptômes cliniques (céphalées, phosphènes, acouphènes, œdèmes etc.) et d’orienter les patientes vers un suivi adapté. Ce management du risque à court terme, en amont du diagnostic, a pour but d’anticiper les complications materno-fœtales et d’optimiser les ressources, en maintenant à domicile un grand nombre de patientes ayant un risque très faible à court terme. Les biomarqueurs sFlt-1 et PlGF, dont les concentrations sont modifiées avant les premiers signes d’alerte, reflètent le niveau de risque des patientes. Ils sont un outil fiable sur lequel le clinicien peut s’appuyer pour prendre une décision (suivi ambulatoire ou hospitalisation). En effet, le déséquilibre des concentrations de sFlt-1 et PlGF sont détectables plusieurs semaines avant la survenue clinique de la prééclampsie. L’étude prospective multicentrique PROGNOSIS publiée récemment, a montré qu’un ratio sFlt-1/PlGF < 38 permet d’exclure une prééclampsie, avec une valeur prédictive de 99 % à une semaine et de 95% à 4 semaines(9). Ainsi, l’implémentation de ce ratio sFlt-1/PlGF chez les patientes présentant une suspicion de prééclampsie devrait permettre d’alléger la surveillance (suivi ambulatoire) lorsque le ratio est bas (< 38) et à l’inverse d’intensifier cette surveillance en hospitalisation lorsque le ratio est élevé (> 38). Il est encore important d’attendre les résultats d’études interventionnelles pour valider l’intérêt de ces biomarqueurs en pratique clinique. Le diagnostic de prééclampsie L’enjeu est de poser un diagnostic fiable d’une pathologie dont le tableau clinique est variable, peu sensible et peu spécifique. Les critères établis de diagnostic de la prééclampsie sont après 20 SA : une pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg ; une pression artérielle diastolique ≥ 90 mmHg ; associée à une protéinurie > 0,3g/24 h. En pratique clinique, il existe des situations où le diagnostic de prééclampsie est difficile à poser et où ces biomarqueurs peuvent aider les cliniciens. C’est le cas par exemple des patientes présentant une néphropathie chronique (diabète, lupus, autre néphropathie) ou une HTA chronique préexistante à la grossesse. Le dosage des biomarqueurs offre de très bonnes performances diagnostiques de prééclampsie. Les seuils les plus récemment proposés à visée diagnostique sont : avant 34 SA un ratio sFlt-1/PlFG > 85 ; après 34 SA un ratio sFlt-1/PlGF > 110 ; un ratio sFlt-1/PlGF < 33 permet d’exclure le diagnostic de prééclampsie. Cette indication est la seule qui a actuellement une place en pratique clinique, lorsqu’un diagnostic de prééclampsie est difficile à poser. Conclusion Les biomarqueurs de prééclampsie semblent donc intéressants en pratique clinique. Ils présentent 3 principales indications, qui sont : le dépistage précoce au 1er trimestre avec les algorithmes incluant PAPP-A et PlGF, la prédiction d’issues défavorables en cas de suspicion de prééclampsie et le diagnostic de prééclampsie. Cette dernière indication est la seule qui a actuellement sa place en pratique clinique (Figure 6). D’un point de vue médio-économique, les biomarqueurs et en particulier le ratio sFlt-1/PlGF, permettraient d’envisager une réduction des coûts de santé de par une prise en charge anticipée des patientes pré-éclamptiques. Figure 6. Stratégies d’utilisation des biomarqueurs de la prééclampsie.

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