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Médicament

Publié le 14 fév 2019Lecture 6 min

Acide folique et grossesse – Prévention primaire des AFTN

Delphine ODENT, Sage-femme libérale, Troyes

Les anomalies de fermeture du tube neural se constituent très tôt au cours de la grossesse et surviennent en l’absence d’antécédents dans 95 % des grossesses. Elles peuvent être liées à des facteurs génétiques, environnementaux, et à un déficit maternel en vitamine B9.

Définition des différents types d’AFTN Les malformations congénitales du tube neural (TN) apparaissent entre J20 et J28 de gestation : les cellules de la plaque neurale (SN) se replient sur elles-mêmes pour former le TN, puis poursuite du développement avec la colonne vertébrale (CV), la mœlle épinière (ME) et le cerveau. Il existe cinq types d’anomalies : – anencéphalie : c’est la non-fermeture de la partie supérieure du TN,  l’absence partielle, voire totale, de l’encéphale, du crâne et du cuir chevelu. – spina bifida (SB) : c’est l’absence de fermeture postérieure de la CV. – SB occulta (fermés) : la ME reste protégée, au contraire du SB aperta (ouverts). – myeloméningocèle : (SB forme la plus grave et la plus fréquente) : hernie de tissu nerveux malformé dans la poche méningée recouverte d’une fine membrane laissant suinter le LCR. Conséquences : incontinence urinaire/fécale, troubles moteurs, paralysie plus ou moins grave, troubles sensitifs/psychiques, hydrocéphalie. – méningocèle : tuméfaction dorsale médiane par protrusion des méninges entre une vertèbre et un disque vertébral, cela représente 10 % des  anomalies de fermeture du tube neural Les anomalies de fermeture du tube neural (AFTN) Les anomalies de fermeture du tube neural représentent 1 grossesse sur 1000 en France soit environ 950 grossesses/an. Dans 95 % des cas, il n’y a aucun ATCD ni facteur de risque. Mais en cas d’AFTN, dans 80 % des cas, cela conduit à une IMG, ayant un impact psychologique très important sur les parents. En tout, ce sont 160 enfants qui naissent chaque année, en France, porteurs de handicaps lourds. Si une prévention, avec supplémentation suffisante en acide folique avait été mise en place avant la grossesse, 128 de ces enfants naîtraient en bonne santé. La prise en charge de ces 160 enfants tout au long de leur vie représente environ 480 millions d’euros. Le coût de la prévention primaire d’AFTN serait lui de 8,5 millions d’euros par an. Avec une prévention par acide folique, c’est 80 % de risque de malformations congénitales en moins. Les facteurs de risque connus d’AFTN sont les antécédents et carences en folates (alcool, tabac, diabète, obésité, traitements anti-épileptiques, malabsorptions digestives etc.). De 1980 à nos jours : l’acide folique C’est en 1980 qu’a été mis en évidence le rôle de l’acide folique dans la prévention des AFTN par le Pr Smithhells, au Royaume-Uni. Dès 1983, ont été mises en place des recommandations mondiales. Mais en France, les recommandations sont peu ou pas appliquées jusqu’en 2013, et jusqu’alors, le dépistage se faisait souvent à l’échographie des 22 SA. Le spina bifida est la plus fréquente AFTN (myéloméningocèle) et en 2010, seuls 47 % des professionnels prescrivaient de l’acide folique, de plus seulement 17 % d’entre eux le faisaient aux bonnes dates. Ce sont donc seulement 7 % des femmes enceintes qui bénéficiaient de cette prévention des AFTN. Selon EUROCAT, en 2012 la prévalence des spina bifida et des anencéphalies était de 8,16 pour 10 000 naissances en Europe contre 11,15 en France. Nous accusons donc un retard conséquent en matière de prévention. D’autant qu’il n’existe qu’une alternative à l’IMG : la chirurgie in utero, qui obtient un meilleur pronostic que la chirurgie post-natale. C’est en juillet 2014 qu’a eu lieu la première opération de ce type en France, qui a consisté en une opération in utero délicate de 2 h d’un spina bifida, réalisée à l’hôpital Necker par les Pr Jouannic et Zerah au 5e mois de grossesse. L’enfant est né en bonne santé, mais il ne s’agit pas de traiter la maladie, simplement d’en réduire les conséquences. Vers une meilleure prévention... Une enquête a été réalisée en juillet et août 2017 auprès 170 professionnels de santé (45 médecins et 125 sages-femmes) dans le cadre de mon mémoire de DIU de médecine fœtale. Lors de cette enquête, 25 % des professionnels interrogés ne connaissaient pas les recommandations à propos de l’acide folique et de la grossesse, 35 % prescrivaient de l’acide folique dès qu’un désir de grossesse était énoncé, et 75% disaient connaître les recommandations mais ne les appliquaient peu ou pas toujours, car ils voyaient souvent les patientes trop tard, après 6 SA. Toutefois, les recommandations sont, semble-t-il, mieux appliquées qu’en 2010. La France a fait le choix de la supplémentation médicamenteuse, mais l’enrichissement des aliments de base a fait ses preuves dans 78 pays et est encouragé par EUROCAT devant la stagnation de la prévalence en Europe. Il est donc important de parler de la prévention des AFTN, même quand c’est trop tard, pour une prochaine grossesse, pour toutes les femmes dans l’entourage de la patiente (amies, famille, collègues, etc.) en âge de procréer. Les recommandations actuelles En consultation préconceptionnelle, il est convenu de prescrire de la vitamine B9 pour 6 mois. Nous devons aussi conseiller une alimentation riche en folates : agrumes, melon, légumes secs, fruits secs, légumes verts à feuilles, kiwis, œufs. En prévention primaire d’AFTN, il est conseillé de prescrire de l’acide folique au moins 4 semaines avant et 8 semaines après le début de grossesse ! S’il existe un ATCD d’AFTN ou une carence avérée, il est nécessaire de prescrire 5 mg/j d’acide folique. Sans antécédent (ATCD) ni carence, la prescription d’acide folique à 0,4 mg/j suffit. Pour faire plus simple chez toutes les femmes en âge de procréer : acide folique dès le désir de grossesse et jusqu’à l’échographie des 12 semaines d’aménorrhée (SA). Le remboursement par la Sécurité sociale est à hauteur de 65 % (à 2,92 € la boîte de 30 comprimés). Et un enjeu de santé publique ! Il faudrait mettre en place une campagne d’information auprès du grand public et des femmes en âge de procréer, dont les mots clés seraient désir grossesse = acide folique. Son but : parvenir à une information largement diffusée via les réseaux sociaux et les différents médias (télévision, radio, journaux, publicité). Cette campagne donnerait des informations claires et détaillées à propos de l’acide Folique et à la prévention des AFTN pour et par tous les professionnels au contact des femmes : médecins, pharmaciens, gynécologues, obstétriciens et sages-femmes. Prescrire l’acide folique de façon systématique à toutes les femmes en âge de procréer sans contraception et 1 mois avant l’arrêt de toute contraception, pour une durée de 6 mois, à renouveler jusqu’à 12 SA. La supplémentation en acide folique, outre la prévention primaire des AFTN, permet aussi de réduire la fatigue maternelle, l’apparition de certains cancers (du côlon par exemple), le nombre d’anomalies des spermatozoïdes, les retards de croissance intra-utérins, les fausses couches spontanées et diminue les retards sévères du langage chez l’enfant Prescrire l’acide folique c’est promouvoir la santé de l’enfant ! Conclusion J’espère avoir convaincu tous ceux qui ne prescrivaient pas d’acide folique selon les recommandations actuelles. Car même si les AFTN sont heureusement rares, leurs conséquences sont si lourdes, et ce dans de nombreux domaines — en particulier pour l’enfant et sa famille. Modifions notre pratique dès à présent.

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