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Psychologie

Publié le 26 avr 2019Lecture 5 min

Comment prévenir la dépression périnatale ?

Pierre MARGENT, Paris

La dépression périnatale est un trouble dépressif survenant durant la grossesse ou après la naissance. Elle affecte plus d’une femme sur sept et constitue une des pathologies les plus souvent observées durant cette période. Elle peut avoir des conséquences graves, tant chez la mère que chez l’enfant. De nombreux facteurs de risque ont été décrits : histoire personnelle ou familiale de syndrome dépressif, violences physiques ou sexuelles, événements de vie stressants, grossesse non programmée et/ou non désirée, diabète préalable ou gestationnel, complications durant la grossesse telles qu’accouchement avant terme ou perte fœtale. Peuvent également intervenir un bas statut socio-économique, une perte de support social ou financier, une parentalité durant l’adolescence.

Le dépistage des femmes à risque est difficile Il n’existe pas toutefois, à ce jour, d’outil prédictif fiable pour un dépistage précoce des femmes les plus fragiles qui pourraient alors bénéficier de mesures préventives. Une approche pragmatique et l’analyse de la littérature médicale tendent cependant à faire proposer des interventions de conseil ciblant les femmes présentant des antécédents ou des troubles dépressifs, des facteurs de risque socio-économiques, des troubles mentaux à type de symptomatologie anxieuse ou ayant subi des événements de vie très éprouvants. Les interventions de conseil incluent essentiellement des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et interpersonnelles. Les premières sont centrées sur le fait que des changements positifs de l’humeur et le comportement sont à même de combattre les pensées, les opinions et les attitudes négatives et à augmenter, a contrario, les pensées et activités positives. Elles incluent l’éducation de la patiente, la fixation d’objectifs, la façon d’identifier et de combattre les pensées et les comportements malsains. Les thérapies interpersonnelles sont axées sur la prise en charge des problèmes relationnels contribuant aux désordres psychologiques. Elles utilisent, dans ce but, des questions exploratoires, des jeux de rôle, d’analyse de décision et de communication. Les interventions possibles sont variables dans leur forme et leur intensité et dans les populations ciblées. Place à la thérapie cognitivo-comportementale et interpersonnelle La majorité des traitements retenus est débutée durant le 2e trimestre de grossesse. Une session thérapeutique peut comporter 4 à 20 réunions, avec une moyenne de 8, s’étalant sur 4 à 70 semaines. Ces dernières peuvent se tenir en groupe ou en individuel, les intervenants pouvant être des psychologues, des sages-femmes, des infirmières ou d’autres professionnels de santé. Un des exemples en est le programme « Mothers and Babies » qui associe 6 à 12 réunions de 1 à 2 heures durant la grossesse, suivies de 2 à 5 dans le post partum. Il comporte des séances de thérapie comportementale axées sur les effets physiologiques du stress, sur la façon de combattre les anomalies cognitives et les pensées automatiques, sur l’importance des relations sociales et de l’attachement positif mère-enfant et sur les stratégies familiales garantissant un développement sécurisant du nouveau-né. Un autre exemple est le programme ROSE (Reach Out, Strand Strong, Essential for New Mothers) qui est une approche interpersonnelle associant 4 à 5 réunions de groupe prénatales, puis un entretien individuel dans le post partum. A côté de ces actions cognitivo-comportementales et interpersonnelles, d’autres peuvent aussi se révéler bénéfiques telles l’activité physique, l’éducation du sommeil du nouveau-né, l’amélioration des systèmes de santé ou de l’accès aux soins des spécialistes mais les preuves les concernant sont faibles ou inexistantes, tout comme l’analyse du rapport bénéfices/risques des antidépresseurs. En dernier lieu, l’apport de sélénium ou de vitamine D pourrait être utile. Ne pas confondre avec le baby blues Au total, la dépression périnatale associe une perte d’intérêt et de vitalité, une humeur dépressive durant au moins 2 semaines de suite, des troubles du sommeil et de l’alimentation, des difficultés de concentration, des sentiments d’inutilité et des idées suicidaires récurrentes. Ce syndrome ne doit pas être confondu avec le « Baby Blues », moins sévère, avec troubles transitoires de l’humeur, qui disparait en règle générale, dans les 10 jours suivant la délivrance. Aux USA, la prévalence de la dépression périnatale varierait de 8,9 à 37 %, fonction de l’âge, de l’origine ethnique et d’autres facteurs socio-démographiques. Cette affection majore le risque de suicide maternel et de mutilations chez l’enfant. Les mères ont davantage de pensées négatives et de distanciation envers leur nouveau-né. La survenue d’une dépression périnatale majore, en outre, le risque de naissance avant terme, de petit poids à la naissance avec âge gestationnel réduit. L’allaitement est très rapidement arrêté. L’enfant peut présenter, par la suite, des troubles de la cognition ou du développement émotionnel, avec risque majeur de troubles psychiatriques ultérieurs. La TCC plus efficace et moins dangereuse que les antidépresseurs Pour sa revue, l’USPSTF (US Preventive Services Task Force) a analysé 50 études, de qualité bonne ou moyenne, 26/50 (52 %) ciblant les femmes enceintes, 22 (44 %) autres des femmes en post partum, les 2 dernières étant composites. L’âge moyen des participantes était de 28,6 ans. Elles étaient le plus souvent d’origine blanche non hispanique et présentaient des antécédents dépressifs ; 26 % avaient des difficultés économiques. Vingt essais (n = 4 107) ont porté sur des interventions de conseil, avec approche cognitivo-comportementale ou interpersonnelle ; 75 % ont été réalisés en groupe et/ou en individuel (56 %). Ces interventions ont été associées à une réduction de 39 % de la probabilité de survenue d’une dépression périnatale (soit un risque relatif moyen à 0,61 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 0,47- 0,78). Le nombre nécessaire de patientes à traiter est donc de 13,5 (IC : 9,9- 23,9). Les approches comportementales et interpersonnelles ont donné, dans l’ensemble, des résultats similaires en matière préventive. Leur impact a été plus marqué chez les femmes à haut risque de dépression vs celles de degré moindre (réduction du risque de 45 vs 21 %). Trois études (n = 5 321) ont examiné le rôle du système de santé (participation d’infirmières ou de sages-femmes, visites à domicile…) avec, là encore, un impact positif (risque relatif entre 0,33 et 0,71). Trois autres se sont penchées sur l’amélioration du sommeil du nouveau-né, avec des résultats variables. Quatre ont porté sur une chimio prévention par sertaline (n = 22), nortryptiline (n = 58) ou acide gras oméga 3 (n = 219). On note une diminution de la symptomatologie dépressive sous sertaline mais aucun effet préventif de la nortryptiline ou des oméga 3. Par contre, sont plus souvent observés des effets secondaires avec la nortryptiline (constipation) et avec la sertaline (vertiges, somnolence) alors même qu’aucune des interventions de conseil n’avait été associée à des effets délétères. Ainsi, l’USPSTF confirme, avec un degré modéré de certitude, que la mise en œuvre d’actions de thérapie cognitivo-comportementale et interpersonnelles sont efficaces dans la prévention de la dépression périnatale, notamment chez les femmes à haut risque, avec symptomatologie dépressive préexistante ou difficultés socio-économiques, tant durant la grossesse que dans le postpartum (recommandation de type B). Elle précise que ces interventions ont une dangerosité potentielle très faible, voire inexistante. Elle reconnait toutefois qu’en pratique de tous les jours, peuvent exister des freins ou des difficultés d’accès aux services de santé mentale.

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