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Médecine fœtale et Foetus

Publié le 20 juin 2021Lecture 6 min

Diminution des mouvements fœtaux, que craindre ?

Pierre MARGENT
Diminution des mouvements fœtaux, que craindre ?

L’analyse des mouvements du fœtus est une mesure simple du bien être fœtal. Elle est le témoin d’un fonctionnement normal de son système nerveux central et d’une oxygénation fœtale satisfaisante. 

On déplore chaque année environ 2 millions de morts ante-natales ou durant le travail, principalement en intra partum dans les pays à revenus faibles à modérés. A l’inverse, dans les pays développés, la plupart des mort-nés sont liés à des décès survenus durant la gestation, ce qui suggère la possibilité, dans certains cas, d’une action préventive. Or, les mécanismes physiopathologiques conduisant à la mort fœtale restent encore très mal connus, rendant toute prévention problématique. L’analyse des mouvements du fœtus est une mesure simple du bien être fœtal. Elle est le témoin d’un fonctionnement normal de son système nerveux central et d’une oxygénation fœtale satisfaisante. Toute hypoxie induit une redistribution sanguine vers les organes vitaux et s’accompagne d’une diminution des mouvements fœtaux (DMF) visant à minorer la consommation en oxygène et en énergie. Une DMF est, significativement, associée à un âge gestationnel moindre (SGA), à des morts à la naissance, à un taux plus élevé d’induction prématuré du travail, à des césariennes plus fréquentes et, dans l’ensemble, à un devenir néo natal plus péjoratif. Toutefois, l’utilisation en clinique de la perception des mouvements fœtaux par la mère est très subjective et nombre de femmes ayant rapporté une DMF durant le troisième trimestre de gestation ont, en fait, un accouchement sans problème. De fait, les preuves manquent qui permettraient l’intégration de la notion de DMF dans les recommandations de surveillance de la grossesse, en vue de réduire le nombre de morts à la naissance. Une étude à Brisbane Une étude a été menée, dont le but fut d’analyser le devenir obstétrical des femmes avec grossesse unique et qui avaient alerté sur une DMF au cours du 3° trimestre de gestation. Une cohorte rétrospective a ainsi été constituée de femmes ayant accouché dans un centre hospitalier de Brisbane (Australie) entre 2009 et 2019. Ont été retenues celles ayant signalé une diminution de la fréquence et/ ou de la vigueur des mouvements fœtaux, voire leur totale annulation, après la 28e semaine de gestation sur des fœtus uniques, sans malformation congénitale patente. Avaient été exclus de l’étude celles qui, dès le premier examen, avaient présenté une mort fœtale in utero.  Initialement, les femmes suivies avec DMF n’avaient bénéficié que d’une surveillance électronique de la fréquence cardiaque du fœtus. A partir de 2016, elle a été complétée par un test de détection d’une hémorragie fœto maternelle (test de Kleihauer-Bethz) et par une échographie du fœtus. Le principal paramètre analysé a été l’incidence des morts nés ; d’autres éléments été examinés : taux d’induction prématurée du travail entre la 37e et 39e semaine, sur le nombre d’accouchements par voie vaginale ou par césarienne en urgence, sur celui des nouveau-nés avec un poids de naissance < 10e p rapporté à l’âge gestationnel et au sexe. Un critère de jugement composite a été pris en compte associant hospitalisation en soins intensifs néo natals, Apgar < 4 à la 5e minute, mort à la naissance ou péri natale. L’examen des données recueillies a été effectué de Mai à Septembre 2020. Sur 101 597 femmes enceintes suivies sur une période de 11 ans, 8 821 (8,7 %) avaient signalé une DMF, survenue à un âge moyen de gestation de 37,0 (34- 38,5) semaines. Les 92 776 autres de la cohorte (91,3 %) n’en avaient pas noté. Comparativement, celles avec DMF étaient significativement plus jeunes, d’âge moyen 30,4 (5,4) ans vs 31,5 (5,2) ans. Elles avaient un indice de masse corporel plus élevé, de 24,3 (21,4- 28,4) face à 23,0 (20,7- 26,6). Il s’agissait moins souvent de Blanches (60,7 vs 66,5 %) et plus souvent de nullipares (54,9 vs 45,5%). Elles avaient, en outre, lors d’accouchements antérieurs éventuels, nécessité moins de césariennes mais, dans leurs antécédents, étaient notés plus de morts à la naissance et de diabète. Il est à remarquer que, sur la période étudiée, la fréquence des DMF signalées a nettement crû, passant de 4,3 % en 2009 à 18,2 % en 2019. Pas davantage de mort-nés mais un contexte périnatal plus compliqué La constatation de DMF n’a pas été associée à un taux plus élevé de morts à la naissance (0,1 % vs 0,2 %), l’Odds Ratio ajusté aOR étant calculé à 0,54 ; intervalle de confiance à 95 % IC : 0,23- 1,26 ; p = 0,16). Par contre, elle l’a été avec un moins grand nombre de naissances par voie vaginale (aOR : 0,83 ; IC : 0,77- 0,89 ; p < 0,001), à un taux plus élevé de naissances avant terme (aOR : 1,26 ; ICI : 1,15 - 1,38 ; p < 0,001, à davantage de déclenchements du travail avant terme (aOR : 1,63 ; IC : 1,53 - 1,74 ; p < 0,001, à des césariennes plus nombreuses ( aOR : 1,18, IC : 1, 09- 1,28 ; p< 0,001) et à un plus petit poids de naissance (aOR : 1,14 ; IC : 1,03- 1,27 ; p = 0,01). Enfin, une DMF a été associée à un nombre plus grand d’événements du critère composite (aOR : 1,14 ; IC : 1,02- 1,27 ; p = 0,01). Dans le groupe DMF, on relevait, par ailleurs, plus de forceps, d’extractions par ventouses, de césariennes en urgence, d’anomalies de la fréquence cardiaque du fœtus ou de présence de méconium. Enfin, on notait plus fréquemment un score d’Apgar à moins de 7 à la 5e minute. On doit le rappeler, par contre, il n’y eut aucune différence dans le taux de morts à la naissance, s’établissant, en cas de DMF à 2/1 000 accouchements avant 2016 et à 1,8 dans la période 2016-2019 mais il faut rappeler que, après 2016, les femmes avec DMF ont eu davantage de naissances planifiées avant terme et de déclenchements du travail. Au total, de cette étude monocentrique d’une cohorte de femmes enceintes, suivies dans un centre de soins tertiaire, il ressort qu’une DMF n’est pas associée à une augmentation de la mortalité à la naissance, après la 28e semaine de gestation. A l’inverse, elle s’associe à plus de naissances planifiées avant terme, de déclenchements prématurés, de césariennes en urgence, de retard pondéral à la naissance par rapport à l’âge. L’absence, à priori paradoxale, d’association aux mort-nés pourrait relever de plusieurs facteurs ; modification des pratiques de prise en charge, attention plus soutenue de l’équipe médicale, planification accrue des naissances avant terme. Des modifications dans les caractéristiques démographiques des femmes elles-mêmes ont pu également intervenir. Ainsi, à ce jour, le rôle prédictif des DMF dans la survenue des morts à la naissance reste imprécis, d’autant que l’on doit rappeler que pour la majorité des femmes enceintes signalant une DMF, ont un accouchement non compliqué d’un enfant en bonne santé. Plusieurs limites doivent être soulignées. Les données ont manqué sur des éléments importants tels que durée des DMF, délai entre DMF et délivrance, mode de présentation de l‘enfant. De plus, la généralisation de ces données, issues d’un seul centre de soins tertiaire, est hasardeuse. Enfin, le protocole de surveillance des DMF a fait l’objet de modifications en cours d’étude… En conclusion, la survenue d’une DMF est un marqueur associé à un risque accru pour le fœtus, même si, dans ce travail, elle n’apparait pas liée à un plus grand nombre de morts à la naissance, peut être en rapport avec la mise en place d’un protocole rigoureux de surveillance au sein d’un centre de soins spécialisés. Elle reste associée à un risque augmenté de petit poids de naissance, de naissances avant terme et de diverses situations pathologiques survenant en péri partum.

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