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Addictologie

Publié le 15 mai 2022Lecture 5 min

Alcool et grossesse, un verre c’est déjà trop…

Pierre MARGENT
Alcool et grossesse, un verre c’est déjà trop…

Une exposition prénatale à l’alcool en cours de grossesse, même modeste de l’ordre d’un verre par semaine, est associée à des anomalies de la structure cérébrale chez l’enfant

Près de 10 % des femmes enceintes consomment de l’alcool exposant leur enfant à un risque d’anomalies du développement et de déficits variés, à la fois physiques, comportementaux et neurologiques, principalement en cas d’exposition massive. Il peut aussi exister un retentissement sur la santé mentale. En imagerie cérébrale par IRM, on peut observer une altération structurelle avec réduction des volumes cérébraux. Il a aussi été rapporté des altérations de microstructure de la substance blanche lors d’une exposition pré natale à l’alcool (prenatal alcool exposure PAE) avec, chez les enfants, adolescents et adultes jeunes, une diffusivité plus importante, une moindre anisotropie couplée à une connectivité du réseau structural plus médiocre alors même que chez les nouveau-nés et jeunes enfants avec PAE est notée, au contraire, une tendance à une moindre diffusivité. De plus, en cas d’exposition prénatale à l’alcool, sont retrouvés chez l’enfant davantage de comportements intériorisés, tels ceux au cours de la dépression ou l’anxiété et de comportements externalisés, état agressif ou hyperactif, avec risque de retentissement à long terme sur la santé mentale. Toutefois, la plupart des études menées antérieurement avaient traité de PAE massives, avec, souvent diagnostic de trouble du spectre alcoolique. En outre, des facteurs de risque essentiels comme le revenu familial, le niveau d’éducation des parents, l’exposition pré natale à d’autres toxiques (tabac, cannabis, autres drogues illicites…) n’avaient pas été pris en compte de manière appropriée. Or de faibles niveaux d’alcoolisation fœtale peuvent également affecter les fonctions cognitives et comportementales et retentir sur les volumes cérébraux et la connectivité fonctionnelle. X Lang et C Lebel ont donc comparé les structures cérébrales et les comportements d’enfants ayant été exposés à une PAE de faible niveau, avec ceux d’enfants contrôle, sans PAE, soigneusement appariés pour les facteurs confondants potentiels. Ils ont analysé de façon très précise le volume cérébral, l’anisotropie fractionnelle (FA), les variations de signaux en IRM fonctionnelle et corrélé tous leurs résultats aux scores comportementaux. L’ensemble des données en matière d’imagerie cérébrale, de cognition et de comportement est issu de l’étude ABCD (Adolescent Brain Cognitive Developpment) qui avait enrôlé plus de 100 000 enfants US, d’âge moyen 10 ans, entre le 1er Septembre 2016 et le 15 Novembre 2018. Aucun n’avait été exposé, en pré natal, à d’autres substances toxiques que l’alcool. Les parents avaient donné leur consentement pour la participation à l’étude et les enfants avaient été informés. L’analyse en neuro imagerie a compris une IRM structurale, une IRM fonctionnelle au repos et une imagerie du tenseur de diffusion. Les réponses au questionnaire ABCD ont fourni des informations sur l’importance de la PAE. Le CBCL (Child Behavioral Checklist) a donné des renseignements sur les comportements grâce à 8 échelles d’appréciation individuelle ciblant l’anxiété, la dépression, l’isolement, les plaintes somatiques, les problèmes sociaux…. Le groupe exposé, avec des enfants issus de parents biologiques uniquement, a été soigneusement apparié à des enfants non exposés avec des parents biologiques. Les évaluations comportementales ont été effectuées le même jour que l’imagerie cérébrale. Atteinte des structures cérébrales et du comportement Un total de 270 enfants a été inclus dans l’étude. L’âge moyen (DS) est de 9,86 (0,46) ans ; 141 (52,2 %) sont des filles ; 135 avaient eu une PAE (âge moyen : 9,85 ans ; 54,1 % de filles) qui ont été appariés à 135 témoins (âge moyen : 9,87 ans ; 50,4 % de filles). Les enfants exposés avaient, dans l’ensemble, un volume cortical cérébral plus conséquent, de l’ordre de 624 (64) vs 605 (55) cm3 mais il n’y avait pas de différence en ce qui concerne le volume cérébral total. Surtout, en cas de PAE était noté une anisotropie fractionnelle plus petite dans la substance blanche de la région post centrale, 0,35 (0,05) face à 0,36 (0,04) mais aussi en région pariétale gauche, 0,31 (0,07) vs 0,33 (0 ,06), en région temporale gauche, 0,26 (0,04) vs 0,28 (0,03). Des constatations identiques ont été faites au niveau de la région occipitale inférieure gauche, 0,30 (0,07) vs 0,32 (0,05) et occipitale droite moyenne 0,30 (0,04) vs 0,31 (0,04). Par contre, on retrouvait une FA plus prononcée dans la substance grise putaminale 0,22 (0,03) vs 0,21 (0,02). Dans le même temps, les scores témoignant des comportements d’extériorisation étaient plus mauvais en cas de PAE préalable, en moyenne à 45,2 (9,0) face à 42,8 (9,0). Cette étude observationnelle, à priori la première, retrouve donc qu’une exposition pré natale à l’alcool en cours de gestation, même modeste de l’ordre d’un verre par semaine, est associée à des anomalies de la structure cérébrale chez l’enfant. Après appariement selon plusieurs facteurs confondants, on peut déceler une FA réduite au niveau de la substance blanche et, dans le même temps, davantage de problèmes liés à des comportements d’extériorisation. Plusieurs études avaient déjà été menées à ce sujet mais avec des consommations alcooliques nettement plus importantes, de l’ordre de 16 verres par semaine ou avec des épisodes fréquents de « beuverie ». C’est la substance blanche sous-jacente des régions post centrale, pariétale et temporale gauche ainsi que les aires occipitales bilatérales qui sont le plus touchées en cas de PAE. On note également des anomalies plus marquées dans l’hémisphère gauche que dans le droit. Point notable, il n’a pas été retrouvé dans ce travail de diminution des volumes cérébraux, peut-être parce que l’exposition à l’alcool prise en compte était moindre. Ces anomalies étaient associées à des scores de comportement externalisé plus importants. Il faut également signaler qu’il n’a pas été décelé de différences significatives dans la variance régionale temporale des signaux en IRM fonctionnelle, contrairement à ce qui avait été observé dans d’autres études dans lesquelles l’exposition à l’alcool durant la grossesse avait été plus conséquente. Ces résultats viennent renforcer les recommandations des Centers for Diseases Control et de la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Canada qui sont opposées à la moindre consommation d’alcool durant toute la grossesse. Parmi les réserves associées à ce travail doivent être mentionnés que le statut PAE a été obtenu par auto questionnaire rétrospectif, source potentielle de biais car la consommation alcoolique réelle est alors souvent minorée et que les mesures en IRM ont été réalisées sur des sites et avec des appareils différents. En conclusion, il apparait que les enfants exposés, même à un niveau modeste de PAE, ont une FA plus basse et davantage de problèmes comportementaux que ceux d’un groupe contrôle qui n’avaient pas été exposés à l’alcool durant la grossesse de leur mère. Ces résultats suggèrent qu’une PAE, même de faible intensité, a des effets mesurables sur la structure du cerveau de l’enfant.

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