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Contraception

Publié le 23 nov 2023Lecture 8 min

Estrogènes en contraception : comment choisir  ?

Christian JAMIN, Paris
Estrogènes en contraception : comment choisir  ?

La principale cause d’échec de la contraception orale est une mauvaise persistance. Or, l’apport d’estrogènes améliore la durée de prise du traitement et apporte d’autres bénéfices quand la prescription est possible. Sans estrogène E0, avec estrogènes (éthinylestradiol EE2, estradiol E2, valérate d’estradiol E2V, estétrol E4) : tour d’horizon pour un choix éclairé.

Pour répondre à cette question « Comment choisir ? », il faut avant tout comprendre comment fonctionne une contraception hormonale par voie générale. L’hormone contraceptive est le progestatif qui agit à trois niveaux : en perturbant la glaire, en empêchant l’ascension des spermatozoïdes, en rendant l’endomètre impropre à la nidation et en bloquant l’ovulation. De plus, les progestatifs freinent le fonctionnement ovarien endocrine, ce qui nécessite une substitution estrogénique lorsque le blocage est complet. Ainsi l’estrogène en contraception n’est-il pas responsable de l’effet contraceptif, mais il sert à substituer la suppression du fonctionnement ovarien lorsqu’il est complet. Il permet également de contrôler le cycle et, accessoirement, exerce un effet anti-androgénique en augmentant la SHBG, protéine porteuse de la testostérone, synthétisée au niveau du foie, ce qui permet de diminuer les taux de testostérone libre. Malheureusement les estrogènes administrés par voie générale modifient aussi les synthèses de protéines hépatiques et, en particulier, majorent le risque thrombogène veineux, principalement, mais aussi artériel(1). C’est pourquoi les recommandations officielles concernant l’utilisation des estroprogestatifs contraceptifs préconisent d’utiliser en première intention la dose la plus faible en éthinylestradiol (EE2) associée à un progestatif androgénique qui diminue l’impact des estrogènes au niveau du foie. En effet, on a longtemps parlé à tort d’équilibre estroprogestatif hépatique, mais, en réalité, pour diminuer les risques de thrombose, il faudrait parler plutôt d’équilibre estroandrogénique hépatique. Il est aussi recommandé en cas de risque clinique et/ou biologique de thrombose veineuse ou d’accident artériel cardiaque ou d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) de bannir complètement les estrogènes par voie orale quels qu’ils soient et de proposer uniquement des contraceptions ne contenant que des progestatifs (E0) à faibles doses, appelées POP (progestin only pill). Les POP ont un effet contraceptif en rendant la glaire inhospitalière et en transformant l’endomètre, et, si l’on utilise des progestatifs un peu plus puissants, en bloquant l’ovulation. Dans ce cas, la dose de progestatifs doit être suffisamment faible pour maintenir une sécrétion endogène d’estrogènes (E2). La patiente bénéficiera donc d’un effet contraceptif lié aux progestatifs sans apport d’estrogènes, ce qui n’augmentera pas les risques thrombotiques veineux et artériels. On pensait disposer d’une contraception idéale avec ces progestatifs anti-ovulatoires à doses suffisamment faibles pour maintenir une sécrétion estrogénique endogène. Mais c’était oublier que l’efficacité réelle d’un produit associe l’efficacité intrinsèque, en l’occurrence l’effet contraceptif propre du produit, à l’adhésion au traitement qui allie l’observance (capacité à prendre régulièrement le traitement) et la persistance de la prise dans la durée. En effet à quoi servirait un traitement très efficace s’il n’était pas pris correctement et poursuivi ? Observance Les oublis de pilules n’entraînent un risque d’ovulation que si la taille folliculaire dépasse 14 mm lors d’un oubli. La véritable période d’oubli à risque est la première semaine de prise après la fenêtre thérapeutique ménagée pour déclencher une hémorragie de privation. Après une semaine d’arrêt, la taille folliculaire atteint 10 mm. Tout oubli de reprise ou un oubli durant la première semaine, du fait d’une croissance folliculaire de 2 mm/jour, est susceptible de laisser croître le diamètre folliculaire jusqu’à 14 mm, d’où un risque ovulatoire malgré la reprise de pilule(2). La demi-vie du progestatif est aussi un paramètre important. Les progestatifs à demi-vie longue retardent la reprise de croissance folliculaire. Les produits ayant un progestatif à demi-vie longue et une période d’arrêt plus courte (4 jours au lieu de 7 jours) minimisent les défauts d’observance (figure 1). Figure 1. Comparaison de deux régimes de 24 jours et de deux régimes de 21 jours de drospirénone + EE2 et d’acétate de noréthistérone ± EE2l(3).   Persistance La principale cause d’échec de la contraception orale est en rapport avec des arrêts prématurés (mauvaise persistance). Ainsi, pour être efficace, un produit doit, d’une part, être pris et surtout, d’autre part, bien toléré. Dans le cas contraire, les patientes arrêtent le traitement et l’effet contraceptif disparaît. La persistance de la contraception dépend de nombreux facteurs, le premier étant le bon contrôle du cycle. En effet, si les femmes acceptent les saignements prévisibles, elles acceptent très mal les saignements impromptus qui perturbent leur quotidien(4,5) (figure 2). Figure 2. Persistance en fonction de la méthode contraceptive(6).   Les POP (E0) entraînent des saignements fréquents et sou vent imprévisibles. Leur persistance est donc souvent insuffisante pour obtenir un effet contraceptif fiable. Ainsi s’opposent donc un effet contraceptif intrinsèque fort et un effet d’innocuité également fort, mais aussi un mauvais effet de persistance qui annule une partie des avantages de cette contraception. Pour ce qui est des estroprogestatifs, le contrôle du cycle est meilleur lorsqu’on utilise des doses plus élevées d’éthinylestradiol : EE2 30 mcg donne un meilleur contrôle du cycle que EE2 20 mcg, mais aussi EE2 donne un meilleur contrôle du cycle que E2 du fait de la puissance estrogénique supérieure de EE2 comparée à E2. Ce qui compte pour les saignements, c’est l’équilibre estroprogestatif endométrial. Celui-ci dépend certes de la dose d’estrogène, de la puissance de l’estrogène (EE2 > E2) mais aussi de la métabolisation de l’estrogène au niveau endométrial. Au niveau de l’endomètre, le progestatif stimule l’enzyme de métabolisation de l’estrogène : la 17 bêta-hydroxy stéroïde déshydrogénase. Cette enzyme est active pour métaboliser E2 mais pas sur EE2 ni sur estétrol (E4) et participe ainsi au contrôle du cycle (par ordre croissant de contrôle du cycle EE2 et E4 > E2 > E0). Toutes les études montrent que plus on apporte d’estrogènes, plus le contrôle du cycle et la persistance sont améliorés (figure 2). Les bénéfices non contraceptifs (BNC) (figure 3) concourent aussi à améliorer l’adhésion au traitement. Il en est ainsi de la disparition des dysménorrhées et de l’effet cosmétique sur la pousse des poils et sur l’acné, qui s’accompagnent d’une persistance trois fois supérieure comparativement à l’absence de BNC. Les contraceptifs contenant un progestatif non androgénique sont plus efficaces sur l’androgénie pour deux raisons : absence d’effet androgénique direct du progestatif au niveau des récepteurs des androgènes cutanés, et surtout les progestatifs non androgéniques ne s’opposent pas à l’effet hépatique d’augmentation de la SHBG par l’estrogène. La SHBG s’élève davantage avec EE2 qu’avec E2 et d’autant plus avec les progestatifs de 3e et 4e génération comparativement au lévonorgestrel (2e génération). E0 et E4 n’augmentent pas la SHBG. Figure 3. Bénéfices non contraceptifs des estroprogestatifs.   Concernant la dysménorrhée et les ménorragies (endométriosiques ou non), il a été observé en clinique que les bénéfices sont supérieurs avec les produits donnant moins de prolifération endométriale (E0 > E2 > EE2) malgré l’absence d’études comparatives directes. Risque des contraceptifs hormonaux Les risques éventuels des contraceptifs oraux hormonaux sont en rapport avec les effets hépatiques et mammaires des hormones : estrogénique des estrogènes et androgénique des progestatifs. L’EE2 est un estrogène puissant entraînant d’importantes synthèses de protéines hépatiques, en particulier : – élévation des protéines procoagulantes, – diminution des protéines anticoagulantes (antithrombine protéines C et S, avec résistance à la protéine C activée). Le taux de SHBG est considéré comme le marqueur de ces modifications. Il semble que les effets délétères hépatiques de EE2 diminuent avec la baisse de la dose d’EE2, mais cette amélioration n’est pas observée au-dessous de 50 mcg. En effet, les doses de 30, 20 et 15 mcg d’EE2 ne diffèrent pas entre elles en termes de risque de thromboembolie veineuse (TEV). Les androgènes s’opposent à cet effet délétère des estrogènes. Ainsi le lévonorgestrel, progestatif de 2e génération, est recommandé en première intention lors de l’utilisation de l’EE2 (figure 4). Figure 4. TEV suivant le progestatif(1).   Cependant, d’autres progestatifs que le lévonorgestrel pourront être proposés si l’on cherche un effet anti-androgène en l’absence de tout facteur de risque de thrombose veineuse chez une femme de moins de 40 ans, ce qui améliorera la persistance donc l’efficacité contraceptive. L’E2 a un impact hépatique moindre que l’EE2, ce qui est confirmé par la mesure des facteurs de coagulation et de la SHBG. Ainsi, l’utilisation d’un progestatif androgénique n’est plus nécessaire pour combattre l’impact estrogénique hépatique. Les grandes études observationnelles récentes confirment cette analyse en montrant un risque de thrombose veineuse équivalent voire inférieur avec l’association E2 ou E2V à des progestatifs non androgéniques comparativement à l’association EE2/LNG. Une grande étude finlandaise ne montre pas d’augmentation du risque de TEV avec l’association E2/nomégestrol acétate et diénogest comparativement aux non-utilisatrices (figure 5). Figure 5. Odd ratios ajustés pour les contraceptifs hormonaux(7).   L’E4 est un estrogène bio- identique d’origine fœtale qui ne modifie pas les protéines hépatiques, dont les facteurs de coagulation. Cela permet de l’associer à un progestatif non androgénique légèrement antiminéralocorticoïde, la drospirénone. Les études de mise sur le marché de phase 2 et 3 ne montrent pas de modification des facteurs de coagulation ni d’augmentation des thromboses veineuses avec cette association. Chez une femme ayant des antécédents de thrombose veineuse ou des facteurs de risques personnels ou familiaux, on ne prescrira pas de contraceptions hormonales contenant un estrogène, quel qu’il soit per os. Les POP E0 ont montré leur innocuité. La place de E4 dans ce contexte doit être davantage évaluée. Concernant les risques artériels, on choisira là encore en présence de facteurs de risque importants une POP dans l’état actuel de nos connaissances. Publié dans Gynécologie Pratique

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