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Vaccination

Publié le 07 mai 2025Lecture 11 min

Comment améliorer l’application des recommandations vaccinales chez la femme enceinte ?

Caroline Brochet, Paris
Comment améliorer l’application des recommandations vaccinales chez la femme enceinte ?

L’amélioration de la couverture vaccinale de la population française est un objectif de santé publique qui offre un bénéfice individuel, un bénéfice collectif et sanitaire (baisse de la circulation voire éradication de l’agent pathogène), ainsi qu’un bénéfice collectif économique (moins de recours aux soins, moins d’hospitalisations, moins d’absences au travail, moins de handicaps) [1]. La vaccination de la femme enceinte joue un rôle particulièrement crucial dans la prévention des maladies infectieuses chez les nouveau-nés. Cependant, malgré les recommandations des autorités de santé, l'application des stratégies vaccinales reste insuffisante. [2, 3] Ce document explore les stratégies potentielles pour améliorer l'adhésion aux recommandations vaccinales chez les femmes enceintes. Pour cela, nous proposerons en tout premier lieu un état des lieux des recommandations actuelles et de la couverture vaccinale en France puis nous nous intéresserons à l’acceptabilité de la vaccination chez la femme enceinte, ce qui nous permettra ensuite d’identifier les freins à la vaccination puis de proposer des solutions acceptables. 

D’après Caroline Brochet, sage-femme à l’Hôpital Armand Trousseau (Paris) Les recommandations vaccinales de la femme enceinte portent sur 4 vaccins inertes qui ont pour objectif de vacciner contre la Covid, la grippe, la coqueluche et le VRS. [4, 5] Les contre-indications vaccinales sont rares. Il s’agit d’une allergie connue à l’un des composants du vaccin, à une encéphalopathie idiopathique, à une poussée aigüe d’une pathologie auto-immune ou à une fièvre. En cas de poussée aigüe d’une pathologie auto-immune ou en cas de fièvre, la vaccination n’est pas définitivement proscrite, elle est simplement différée, le temps que passe la crise de poussée auto-immune ou la fièvre.  Malgré les bénéfices reconnus de la vaccination de la femme enceinte, la couverture vaccinale en France est pourtant imparfaite. En effet, bien que ces différentes recommandations vaccinales soient en vigueur et bien que les contre-indications soient rares, l’Enquête Nationale Périnatale de 2021 (ENP) montre que la vaccination contre la grippe pendant la grossesse n’est que de 30% et celle contre la coqueluche pendant la grossesse et le post partum de 66.8%. [6] Avant de s’intéresser aux raisons qui expliquent cette faible couverture vaccinale, faisons un bref rappel de ce que sont précisément les recommandations vaccinales de la femme enceinte.   Grippe et Covid La vaccination contre la grippe et la Covid sont des vaccinations saisonnières. Ainsi, elles peuvent se réaliser quel que soit le terme de la grossesse à la condition que la temporalité respecte la campagne de vaccination officielle. [4] Pour cette année par exemple, ces vaccinations ont débuté le 10 septembre 2024 à Mayotte et le 15 octobre 2024 pour la métropole, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Il n’y a pas de délai particulier recommandé entre l’injection à la femme enceinte et la naissance du nouveau-né puisque l’effet escompté est principalement de protéger la mère afin qu’elle ne développe pas de forme grave liée à son état de gestation et qu’elle ne contamine pas son nouveau-né dont le système immunitaire est immature.  Coqueluche et VRS A l’inverse, les vaccinations contre la coqueluche et le VRS peuvent se pratiquer toute l’année, mais un à terme bien précis de la grossesse. L’objectif de ces vaccinations est de protéger à la fois la mère mais également le nouveau-né par un passage transplacentaire d’anticorps. Le placenta étant particulièrement imperméable aux anticorps lors du premier trimestre de la grossesse, ces vaccinations ne sont donc pas recommandées en début de grossesse.     La vaccination contre la coqueluche doit être réalisée entre 20 et 36 SA avec un délai d’au moins quatre semaines entre l’injection maternelle et la naissance du nouveau-né. [3] Si le délai observé est inférieur à quatre semaines, alors nous retombons dans la stratégie dite de « cocooning » où tout l’entourage de l’enfant doit alors être vacciné. En effet, il est impossible de vacciner le nouveau-né puisque son système immunitaire est immature et que le vaccin ne serait donc pas immunogène pour lui. La recommandation de cette vaccination concerne chaque grossesse, quel que soit le délai entre deux grossesses, ce qui permet à la patiente de fabriquer un boost d’anticorps et permettre un passage transplacentaire accru de ces anticorps pour chaque fœtus. La vaccination contre le VRS doit être réalisée entre 32 et 36 SA avec un délai d’au moins deux semaines entre l’injection maternelle et la naissance du nouveau-né. [4] Si le délai observé est inférieur à deux semaines ou si l’enfant nait prématurément, alors il sera proposé une injection d’anticorps monoclonaux au nouveau-né à la naissance. La Haute Autorité de Santé (HAS) précise par ailleurs que la stratégie de l’immunisation passive du nouveau-né à la naissance sera privilégiée à la vaccination maternelle si la patiente est immunodéprimée. En revanche, la HAS ne s’est pas encore prononcée pour savoir si cette vaccination devait être réalisée lors de chaque grossesse. [4] Organisation des soins, intervalle d’immunisation L’organisation des soins doit donc permettre une quadruple vaccination de la femme pendant sa grossesse. Par ailleurs, conformément à son autorisation de mise sur le marché (AMM), un intervalle de deux semaines est recommandé entre l’administration du vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche acellulaire (dTca) et l’administration du vaccin contre le VRS. En revanche, pour faciliter cette quadruple vaccination, trois co-administrations sont possibles simultanément (grippe + Covid + [soit dTca soit VRS]) dès lors que trois sites d’injection différents sont respectés (distance de 2.5 cm minimum entre deux injections). Ainsi, toutes ces vaccinations peuvent être réalisées en seulement deux consultations de suivi de grossesse.  Mais alors, pourquoi la couverture vaccinale de la femme enceinte est-elle si faible ? Si la récente augmentation du nombre vaccinations recommandées chez la femme enceinte, notamment contre le VRS, semble être primordiale dans la prévention des maladies infectieuses chez les nouveau-nés, il semble important de s’intéresser à la question de l’acceptabilité de cette vaccination par les femmes enceintes.  Une récente étude de A. Roblin s’est justement intéressée à l’acceptation par les femmes des deux stratégies de prévention de la bronchiolite infantile due au Virus Respiratoire Syncytial (VRS) : la vaccination de la femme pendant sa grossesse et l’injection d’Anticorps monoclonaux au nouveau-né. [7] Cette étude monocentrique (réalisée à la maternité de Port Royal à Paris) a interrogé de juillet 2023 à septembre 2023, via des questionnaires anonymes, des femmes francophones ayant accouché à terme d’enfants vivants.  Après avoir recueilli des données épidémiologiques concernant les 258 femmes qui constituaient la cohorte d’étude et après les avoir informées sur les deux stratégies vaccinales, des questions leur ont été posées pour évaluer leurs intentions de traitement. 89% des femmes interrogées étaient favorables à la vaccination et 78% aux anticorps monoclonaux. Parmi les patientes favorables aux deux stratégies, 77% préféraient la vaccination. Il est à noter que cette étude comporte un biais important qui implique une mauvaise représentativité de la population générale. En effet, il existe une sur-représentation des femmes ayant fait des études supérieures et des femmes ayant une fonction de cadre. De même, les patientes de cette cohorte d’étude s’étaient majoritairement fait vacciner contre la coqueluche pendant leur grossesse (74%) ce qui laisse à penser que ces patientes étaient spontanément plus favorables à la vaccination que la population générale. Néanmoins, l’étude de leur motivation donne un éclairage intéressant lorsque l’on s’interroge sur la manière d’aborder cette question avec les femmes enceintes.  Ainsi, cette étude montre que les patientes favorables à la vaccination mettaient en avant des arguments concernant l’immédiateté de la protection néonatale et le fait d’éviter une injection et ses effets indésirables au nouveau-né. A contrario, les patientes favorables aux anticorps monoclonaux mettaient en avant l’absence de données de cette vaccination sur le long terme et l’injection supplémentaire pendant la grossesse.  Hésitation vaccinale, effets secondaires, information inadéquate Intéressons-nous à présent aux patientes qui refusent la vaccination. Une étude portant sur la vaccination des femmes enceintes contre la grippe s’est intéressée aux raisons de la non-vaccination. Elle a révélé que le premier frein à la vaccination était la non-proposition de la vaccination par le professionnel de santé (81.5%). [9] Un sondage IPSOS de 2023 portant sur la vaccination apporte une précision à cette non-proposition de la vaccination par le professionnel de santé, indiquant que six femmes sur dix reçoivent une recommandation, cinq sur dix reçoivent une prescription et seulement quatre sur dix reçoivent une administration. [10]  Un autre frein important rapporté par l’étude d’Alessandrini est la peur des effets secondaires fœtaux (59.5%). [9] Cependant, un sondage Ipsos de 2023 sur la vaccination des femmes pendant leur grossesse montre qu’il y a une meilleure adhésion à la vaccination des femmes lorsqu’il s’agit de protéger leur enfant à naître que pour elles. [10] Ainsi, lorsque cela est recommandé, 57% des femmes sont en faveur de la vaccination pendant la grossesse afin de protéger la mère, contre 71% lorsqu’il s’agit de protéger l’enfant à naître.  Une information inadéquate est également rapportée comme étant un frein important à la vaccination (51.4%). [9] Par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a décrit et étudié ce qu’elle a appelé « l’hésitation vaccinale ». [8] Celle-ci peut être de trois ordres. Elle peut être propre à l’individu (par exemple lors des croyances ou du vécu personnel). Elle peut être liée à une influence contextuelle (en fonction par exemple de la période de l’année ou de la prévalence de la maladie). Enfin, elle peut être propre au vaccin (certaines personnes par exemple acceptent un vaccin mais en refusent un autre). Il s’agit, pour ces trois axes, des représentations personnelles, propres à chaque patiente.  Quels leviers pour améliorer la couverture vaccinale ? Face au constat que les freins liés à la vaccination relèvent notamment de l’hésitation vaccinale, de la peur des effets secondaires et de l’information inadéquate, il semble qu’un axe de travail pour faciliter la vaccination soit l’information. Il convient donc au praticien d’aller explorer les représentations des patientes en tout premier lieu afin de comprendre leurs réticences et de leur apporter ainsi l’information la plus ajustée en structurant un discours efficace et donc convaincant. Parallèlement et de manière synergique, puisque les études ont mis en avant que les freins à la vaccination sont la non-proposition par le professionnel de santé, la non-prescription ou la non-administration, il semble également essentiel d’accentuer les efforts pour rendre la vaccination des femmes enceintes plus facilement accessible.  Mieux informer passe par une information loyale, indispensable au consentement libre et éclairé. Tout en étant ajustée à chaque patiente en fonction de ses hésitations vaccinales, cette information doit présenter les bénéfices et les risques liés à la vaccination. Ainsi, le professionnel de santé doit informer la patiente sur la fréquence et gravité de la maladie, sur la composition du vaccin proposé (stabilisateurs, conservateurs, éventuels adjuvants), sur les raisons sécuritaires expliquant la polyvalence de certains vaccins, sur l’innocuité fœtale etc. L’information doit également porter sur les contre-indications (rares) et les effets indésirables de la vaccination. Ces derniers existent et ne peuvent être ni tus ni négligés. Certains sont très fréquents comme les réactions locales, d’autres sont fréquents à l’instar de la fièvre ou des myalgies et enfin l’anaphylaxie post vaccinale est très rare. Il n’existe pas un seul bon moment pour aborder la vaccination avec la femme enceinte mais une chose est sûre, l’information doit se faire le plus précocement possible pendant la grossesse afin de laisser à la patiente un temps de réflexion et de pouvoir éventuellement demander des compléments d’information sur cette vaccination recommandée.  L’Entretien Prénatal Précoce (EPP) est une consultation longue réalisée en début de grossesse et permettant le dépistage des vulnérabilités. Les souhaits de la patiente et les différentes étapes du suivi de sa grossesse y sont également abordés. Il semble que ce soit un moment propice pour une première information sur la vaccination. Les cours de préparation à la parentalité présentent également une opportunité pour aborder les recommandations vaccinales. Enfin, chaque consultation peut permettre, si la patiente en ressent le besoin, de réaborder la question vaccinale.  Il est ensuite primordial de penser à une organisation optimale des soins, que ce soit à l’hôpital ou en ville, afin de faciliter l’accès à la vaccination.   A l’hôpital, la conduite du changement doit prendre en compte l’intégralité des acteurs de soin. Pour qu’elle soit couronnée de succès, la nouvelle organisation doit résulter d’une volonté d’équipe et être mise en place de concert avec les acteurs de première ligne. Pour cela, en amont de l’information aux patients, il est important de réaliser une information auprès de tous les professionnels de santé. Car nous le savons, un professionnel convaincu est un professionnel convaincant ! En outre, le discours des différents acteurs de santé auprès des patientes sera homogène facilitant ainsi l’adhésion des femmes à la vaccination. Par ailleurs, le parcours de soin doit être simple, non contraignant, et le remboursement du produit, intégralement pris en charge par l’assurance maladie. Ainsi, une patiente informée qui souhaite se faire vacciner doit pouvoir l’être au décours de sa consultation, sans avoir à prendre de rendez-vous supplémentaire. Les produits doivent être disponibles avec une dotation spécifique et généreuse pour l’hôpital. La vaccination doit ainsi pouvoir être immédiate. En ville, c’est le travail en réseau qui permet de faciliter la vaccination. De récents décrets de compétences permettent à davantage d’acteurs de santé de vacciner. Plus il y a d’acteurs compétents pour vacciner, plus il y a de personnes vaccinées ! [11, 12] Les lieux où la vaccination est possible ont également été multipliés : dans les officines, dans les centre de Protection Maternelles et Infantiles (PMI), dans les centres de vaccination, dans les cabinets libéraux des consultants médecins ou sages-femmes. Certains acteurs qui ont une activité variée proposent même des plages horaires de consultation courte fléchée spécifiquement pour une vaccination. Cela permet à davantage de patientes de pouvoir prendre rendez-vous et de se faire ainsi vacciner. Enfin, que ce soit en ville ou à l’hôpital, si la traçabilité est obligatoire, elle ne doit pas pour autant constituer un frein pour le professionnel de santé. Elle doit être efficace mais non fastidieuse.  Rappelons enfin que pour faciliter l’information aux patientes, de nombreux outils pratiques sont à la disposition des professionnels de santé. Ainsi, le calendrier vaccinal mis à jour chaque année au mois d’avril est facilement accessible en ligne, dans sa version détaillée ou en format carte postale. [13, 14] Certains flyers sont également téléchargeables sur le site du ministère des solidarités et de la santé ou sur celui de Santé Publique France qui propose également des capsules vidéo. Ces outils papiers et numériques sont un précieux support pour aborder avec les patientes les différentes pathologies, le processus de fabrication des vaccins avec le double contrôle de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) et du fabricant assurant sa sécurité, l’intérêt individuel et collectif de la vaccination, les bénéfices pour la santé etc.  Concernant la prévention contre les bronchiolites à VRS, la HAS a également édité des documents récents facilitant l’information loyale aux patientes. Les aides existent pour nous permettre d’aborder la question de la vaccination efficacement avec nos patientes, n’hésitons pas à nous en servir ! santepubliquefrance.fr, infovac.fr, vaccination-info-services.fr, ameli.fr, mesvaccins.net, has-sante.fr, sante.gouv.fr. La vaccination est l’affaire de chacun et permet la santé pour tous.

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