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Addictologie

Publié le 28 sep 2018Lecture 11 min

Substituts nicotiniques : un nouveau mode de remboursement pour promouvoir des méthodes efficaces

Nadia LAHLOU, Paris

Paris, le lundi 24 septembre 2018 - Les modalités de remboursement des substituts nicotiniques viennent de connaître une importante évolution : plusieurs produits sont aujourd’hui pris en charge à 65 % par l’Assurance maladie et peuvent faire l’objet du tiers payant. Cette mesure doit contribuer à faire progresser le nombre de personnes candidates au sevrage.

Le docteur Nadia Lahlou, tabacoloque et directrice scientifique de Tabac info service, revient pour nous sur les conditions à respecter pour bénéficier de ce nouveau mode de remboursement et, d’une manière générale, sur les clés de la réussite du sevrage. Elle insiste également sur la nécessaire implication de tous les professionnels de santé dans l’accompagnement des fumeurs car, rappelle-t-elle, l’association d’un bon soutien, de traitements bien adaptés et la motivation du fumeur ou de la fumeuse sont le plus souvent un cocktail gagnant. JIM.fr - Quels sont aujourd’hui les substituts nicotiniques pris en charge par l’Assurance maladie ? Dr Nadia Lahlou (addictologue – Tabac info service) : Les remarques de certains fumeurs et votre question m’ont fait prendre conscience que certaines personnes ont l’impression que la prise en charge des substituts nicotiniques par l’Assurance maladie est un phénomène nouveau. En réalité, ce sont les modalités qui évoluent. Mais, depuis plusieurs années, tous les substituts nicotiniques sont pris en charge par l’Assurance maladie. Les dispositifs se sont transformés au fil du temps, avec un forfait passé de 50 à 150 euros ou encore des restrictions en fonction des catégories de population qui ont disparu. Et aujourd’hui, ce qui change, c’est qu’après accord avec l’Assurance maladie, un certain nombre de substituts nicotiniques sont désormais remboursés de la même façon que des médicaments et peuvent donc faire l’objet du système de tiers payant. Cinq premiers produits concernés Les substituts nicotiniques concernés, au 19 septembre 2018, sont les gommes Nicotine EG (qui ont été les premiers substituts nicotiniques à faire l’objet de cette nouvelle modalité de prise en charge), les patchs Nicoretteskin (aux trois dosages : 10 mg/16 h, 15 mg/16 h et 25 mg/16 h et deux conditionnements : boîtes de 7 et de 28), les patchs Nicopatch avec un nouveau nom, Nicopatchlib, comme le signale le Journal officiel, et pour tous dosages (7 mg/24 h, 14 mg/24 h et 21 mg/24 h) et tous conditionnements et, derniers en date, les pastilles Nicopass 1,5 mg et 2,5 mg (boîtes de 96 uniquement) et Nicorette gommes à mâcher (seules les boîtes de 105 gommes, Sans sucre, Fruits, Menthe fraîche et Menthe glaciale 2 mg et 4 mg, à partir du 22 septembre). Pour ces produits désormais remboursés à 65 % par l’Assurance maladie, il existe un prix fixe pour tout le territoire. Cela évite les différences de prix que l’on peut fréquemment constater pour les autres substituts nicotiniques non encore inscrits sur la liste des produits remboursables à 65 %. JIM.fr : Le forfait de prise en charge de 150 euros par an et par personne existe-t-il toujours ? Peut-il être combiné avec la prise en charge à 65 % ? Docteur Nadia Lahlou : Tous les types de substituts nicotiniques sont destinés à pouvoir faire l’objet d’un remboursement à 65 %. L’objectif annoncé est qu’une majorité de produits soit inscrite sur la liste des produits remboursables d’ici la fin de l’année. Les textes prévoient en effet que le forfait disparaisse d’ici la fin 2018. Les statuts différents actuels s’expliquent par les négociations menées avec chaque laboratoire. Le coût du sevrage toujours très inférieur à celui du tabac Ainsi, au moins jusqu’à la fin de l’année, dans le cadre d’une période de transition, le remboursement à 65 % coexiste (et peut être combiné) avec le forfait de 150 euros (pour les produits non encore inscrits) par an et par personne pris en charge par la Sécurité sociale. On peut donc bénéficier des deux modes de remboursement. Un patient peut avoir une prescription d’un patch pris en charge à 65 % et acheter des pastilles ou un inhalateur dans le cadre du forfait de prise en charge de 150 euros. Il faut par ailleurs noter que parallèlement, le forfait de la Sécurité sociale peut être doublé d’un forfait variant entre 50 et 150 euros accordé par les mutuelles. N’oublions pas, en outre, que le coût des produits d’aide au sevrage demeure toujours inférieur à celui des cigarettes. Dans tous les cas, pour bénéficier de la prise en charge à 65 % (et du tiers payant), une ordonnance est absolument nécessaire. Pour bénéficier du forfait, il faut également conserver la facture du pharmacien. On notera qu’il n’y a pas d’obligation d’achat en une seule fois du traitement prescrit pour bénéficier de la prise en charge : les achats peuvent être échelonnés. JIM.fr : Comment les professionnels de santé peuvent-ils connaître la liste des substituts nicotiniques aujourd’hui pris en charge par l’Assurance maladie ? Peut-on être alerté régulièrement des évolutions de cette liste ? Docteur Nadia Lahlou : Le site de la Sécurité sociale Ameli.fr publie régulièrement des mises à jour sur les produits nouvellement pris en charge en tiers payant. Parallèlement, il existe une liste des substituts nicotiniques qui sont pris en charge par la Sécurité sociale dans le cadre du forfait. La presse médicale est également un bon canal de diffusion. Les sages-femmes au chevet des mères et de leur entourage JIM.fr : Quels professionnels de santé peuvent les prescrire ? Docteur Nadia Lahlou : C’est un point parfois méconnu des fumeurs et de certains professionnels de santé, mais les médecins ne sont pas seuls habilités à prescrire des substituts nicotiniques. Il y a aussi les chirurgiens-dentistes, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes. Point important et également méconnu concernant ces dernières. Depuis la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016, leur pouvoir de prescription des substituts nicotiniques a été étendu aux proches de la femme enceinte ou venant d’accoucher (conjoint, parents…). JIM.fr : Comment doit être libellé l’ordonnance pour que le patient puisse bénéficier de la prise en charge ? Docteur Nadia Lahlou : L’ordonnance ne doit comporter que des substituts nicotiniques, aucun autre traitement ne doit figurer. Par ailleurs, il faut faire des ordonnances en fonction des modalités de remboursement (prise à en charge à 65 % avec possibilité de tiers payant d’une part et forfait à 150 € d’autre part). Il n’y a pas de quantité fixée. Les dernières recommandations de la HAS en 2013 ont rappelé que le tabagisme était une maladie chronique : aussi les substituts nicotiniques peuvent être utilisés aussi longtemps que besoin. Auparavant, quand seul existait le forfait de 150 euros, certaines personnes, notamment celles ayant fumé pendant plusieurs décennies d’importantes quantités de cigarettes, dépassaient ce seuil : cette difficulté n’existera plus avec les nouvelles modalités de remboursement. Quoi qu’il en soit, en cas de discussions, de plaintes sur ces enjeux économiques, j’invite mes patients à faire le calcul : le prix d’une boîte de 28 patchs est toujours très inférieur au coût d’un paquet de cigarettes quotidien pendant un mois. JIM.fr : Quels conseils donner à des professionnels de santé dont les patients souhaiteraient bénéficier du tiers payant, mais qui ont des réticences à l’idée de changer de substitut ? Docteur Nadia Lahlou : La situation s’apprécie au cas par cas. Concernant les gommes à la nicotine, la solution est simple. Les gommes ont, dans toutes les marques, des dosages similaires et ces produits sont considérés comme pouvant se substituer les uns aux autres. Par ailleurs, les gommes à mâcher inscrites en mars 2018 au remboursement appartiennent à un groupe générique. Ainsi, face à la prescription d’une autre gomme à mâcher, le pharmacien, dans le cadre de ses attributions, comme pour un autre médicament, peut lui substituer les gommes Nicotine EG. Sauf contraintes économiques majeures, un patch bien toléré ne devrait pas être substitué Pour les patchs, la situation est différente. Le pharmacien, normalement, ne peut pas opérer de substitution (même si la réalité est parfois différente). Dans un avis de janvier 2018, l’ANSM a en effet rappelé que les patchs n’ont pas tous d’équivalence pharmacocinétique entre eux. Ainsi, quand un patient est bien équilibré avec un patch, il vaut mieux ne pas le changer. Il y a par ailleurs des tolérances différentes en fonction des patchs, notamment cutanées (liées à la diversité des colles utilisées). Cependant, comme je l’ai dit, la situation s’apprécie toujours au cas par cas. Face à des patients qui utilisent des patchs 24 heures et qui émettraient le désir d’utiliser celui qui est aujourd’hui inscrit sur la liste des produits remboursables à 65 %, il faut que le médecin et le patient évaluent ensemble la situation. Face à d’éventuelles difficultés financières, il est important de mesurer le risque que le patient abandonne sa substitution. Il est préférable de changer de patch, plutôt que de risquer d’arrêter le traitement par manque de moyens et/ou impossibilité d’avancer les frais. JIM.fr : La mise au remboursement des substituts a-t-elle un impact sur l’usage de ces traitements ? Docteur Nadia Lahlou : Les patients ont en effet été sensibles aux récentes évolutions. Pour certains, la dispense d’avance de frais offre une véritable simplification, une aide importante. D’une manière générale, les prises en charge financières complètes ont entraîné une augmentation de l’utilisation des traitements d’aide à l’arrêt, de la proportion de fumeurs faisant une tentative d’arrêt du tabac, et de succès de ces arrêts. JIM.fr : De manière plus générale, comment faut-il adapter la forme et le dosage des substituts au tabagisme du fumeur ? Docteur Nadia Lahlou : Ce qui est essentiel pour réussir le sevrage de chaque fumeur est de trouver avec lui les formes de substituts qui lui conviennent le mieux et les bons dosages. Il faut que le dosage soit suffisamment fort, mais pas trop. Un équilibre est à trouver entre la zone de sous-dosage et la zone de surdosage. Par ailleurs, ce qui est recommandé c’est l’association d’un patch avec une forme orale et cela de façon systématique. Le patch va permettre une couverture de base et la forme orale, que ce soit la gomme, la pastille ou l’inhaleur, va permettre une adaptation de l’apport en nicotine au moment où le patient en ressent le besoin. Beaucoup l’ignorent et c’est pourtant un élément important. Concernant les dosages proprement dits, il existe des règles générales. Pour faire simple, on considère qu’une cigarette apporte à peu près 1 mg de nicotine. Ainsi, chez un patient qui fume un paquet par jour, sera prescrit un patch de 21 mg. On lui proposera en plus les différentes formes orales, afin qu’il choisisse celles qu’il préfère. Ici, on ne prescrit pas un nombre précis de gommes ou de pastilles, c’est au patient d’y avoir recours en cas de besoin. Il s’agit d’une forte envie de fumer qui peut se manifester par des signes de manque en nicotine. Ces derniers doivent pouvoir être identifiés par les patients, grâce à l’aide du médecin (irritabilité, coup de blues, fringale, manque de concentration…). Pour que ces pastilles ou ces gommes soient efficaces, il est également essentiel d’expliquer comment on les utilise. Une gomme à la nicotine ne se mâche pas comme un chewing-gum normal : il faut la mâcher, la coller contre la joue pour que cela diffuse dans les muqueuses et remâcher et recoller. Pour une pastille, de la même manière, en fonction de sa taille, elle doit être placée le long de la joue ou sous la langue ; cela ne se suce pas comme un bonbon. Un certain nombre d’échecs ou de sentiments d’inefficacité sont en partie liés à un défaut de connaissance quant aux modes d’utilisation de ces produits. Notons que pour les patients qui ne souhaitent pas de patch, on peut recourir aux pastilles dosées 1 mg. Des étapes délicates et anxiogènes Il existe quelques patients qui continuent à avoir recours aux formes orales de substituts nicotiniques pendant plusieurs années. Il faut rappeler qu’il n’existe pas de dépendance physique aux substituts nicotiniques. Les substituts nicotiniques sont des béquilles efficaces pour arrêter de fumer. Chaque étape est particulièrement délicate. Ainsi, beaucoup sont effrayés au moment de l’arrêt du patch : le médecin doit bien rassurer sur le fait que le sevrage est fait, que les récepteurs sont fermés et que les choses vont bien se passer. Puis, certains patients présentent effectivement une réelle angoisse à l’idée de quitter les formes orales. En plus, aujourd’hui, les substituts nicotiniques par voie orale ont un bon goût, sont agréables. Chaque fumeur parvient à trouver un produit qui lui convient. Aussi, certains les prennent bientôt plus par habitude ou par réflexe que par réel besoin. Le professionnel doit donc les accompagner afin de les inciter à ne recourir aux substituts qu’en cas de besoin. Si c’est juste l’envie d’avoir quelque chose dans la bouche (ce qui est d’autant plus explicable pour un fumeur), on conseille de manger un fruit, de prendre un chewing-gum sans sucre, et d’alterner avec des pastilles ou des chewing-gums à la nicotine. En général on arrive après au sevrage total. Une mobilisation générale essentielle ! Au-delà de ces précisions, je voudrais insister sur la nécessité de réellement encourager tous les professionnels de santé à essayer d’initier l’arrêt du tabac et à rassurer les fumeurs, en leur disant qu’il existe aujourd’hui des moyens d’aide à l’arrêt du tabac qui sont efficaces et que tout fumeur peut arrêter et arrêter de façon confortable. S’il y a eu des tentatives d’arrêt et qu’il y a eu échec, c’est qu’il y a eu quelque chose qui a été mal pris en charge ou ce sont des gens qui pleins de bonne volonté ont essayé d’arrêter seuls et n’y sont pas parvenus. Ce n’est pas pour ça qu’il faut se décourager, s’il y a eu des essais d’arrêt du tabac qui n’ont pas fonctionné, qu’ils n’hésitent pas à se faire aider par un professionnel de santé que ce soit leur généraliste, une infirmière, un pharmacien ou un tabacologue. Si l’on souhaite bénéficier du soutien d’un tabacologue, les consultations classiques existent, mais aussi Tabac info service (3989) http://www.tabac-info-service.fr. Ce service par téléphone permet de pallier les problèmes d’accès géographique. Par ailleurs, les créneaux horaires sont larges (8 h à 20 h, 6 jours sur 7), ce qui répond aux difficultés de ceux qui considèrent qu’ils n’ont pas le temps de se rendre chez un professionnel.

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