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Sexologie

Publié le 15 nov 2019Lecture 5 min

Premier rapport sexuel contraint, il y a toujours un après

Pierre MARGENT, Paris

Une intense médiatisation a, récemment, mis l’accent sur la très grande fréquence des actes sexuels violents perpétrés aux États-Unis sur des jeunes filles et des femmes. On estime, en effet, à plus de 40 % la proportion de femmes ayant subi, durant leur vie, des violences sexuelles (dont près de la moitié de viols). La World Health Organization a signalé qu’un premier rapport sexuel forcé était une forme bien distincte de violence sexuelle et qu’il s’agit d’un problème mondial, dont la prévalence se situerait entre 0,8 et 38 %, à l’origine de nombreuses complications potentielles ultérieures. Aucune étude récente n’a porté sur la prévalence des violences sexuelles lors du premier rapport et sur leurs conséquences en matière de santé.

Un travail a été entrepris auprès de 13 310 femmes, âgées de 18 à 44 ans, interrogées entre 2011 et 2017 dans le cadre de la National Survey of Family Growth. Il s’agit d’une étude transversale de niveau national, à plusieurs paliers, réalisée sous l’égide des Centers for Disease Control and Prevention, qui collecte de multiples données sur la vie familiale, les mariages et divorces, les grossesses et la stérilité, l’usage des contraceptifs et les troubles en matière de santé, tant générale que reproductive. Elle a consisté en des entretiens individuels, menés sur 3 périodes distinctes de 2 ans, de Septembre 2011 à Septembre 2017. Le taux de réponse, selon les années, a varié entre 67 et 73 %. Les femmes n’ayant pas eu de rapport vaginal et celles âgées de moins de 18 ans lors de la réalisation du sondage ont été exclues. Toutes celles ayant signalé n’avoir pas été volontaire lors de leur premier rapport sexuel (RS) ont été interrogées sur le type de violences subies. Parallèlement différentes données ont été rassemblées, dont le nombre de grossesses, l’âge lors de la première, le nombre de partenaires sexuels au cours de la vie, le nombre d’avortements, de grossesses non désirées, le recours éventuel à un contrôle des naissances et/ou aux services de santé. Ont été également notés les éventuels dépistages du cancer du col et les l’infection à VIH, les problèmes médicaux, tant généraux que gynécologiques (fibromes utérins, maladies pelviennes inflammatoires, endométriose, troubles ovulatoires et menstruels), les toxicomanies et troubles mentaux, enfin les principales caractéristiques sociodémographiques. Plus de trois millions de femmes Sur l’ensemble des 13 310 femmes interrogées, ayant eu un premier rapport vaginal, 6,5 % (intervalle de confiance à 95 % IC : 5,9- 7,1 %) ont signalé avoir eu  un premier rapport contraint, soit l’équivalent, au niveau national de 3 351 733 femmes agressées. Leur moyenne d’âge lors de ce rapport, vs celles ayant eu un premier rapport volontaire, était inférieure de 2 ans : 15,6 ans (IC : 15,3- 16,0) vs 17,4 ans (IC : 17,3- 17,5).  L’âge de leur partenaire masculin était, par contre, plus élevé, d’environ 6 ans : 27,0 ans (IC : 24,8- 29,2) vs 21,0 (IC : 20,6- 21,3). Dans approximativement 50 % des cas, le partenaire violent était plus âgé. Au total  74 % des femmes ayant eu un premier RS contraint avaient moins de 18 ans lors de ce premier rapport, contre 60,5 % de celles ayant eu un RS volontaire (p < 0,001) et 6,8 % avaient alors même moins de 10 ans, vs 0,1 % (p < 0,001). Il y avait moins de Blanches parmi les femmes ayant subi des violences sexuelles (65,3 vs 74,7% ; p < 0,001) ; elles étaient plus souvent nées hors des USA (21,5 vs 16,8 % ; p = 0,01), avaient un plus grand niveau de pauvreté (35,1 vs 24,9 % ; p< 0,001) et avaient moins souvent atteint un niveau d’études universitaires (23 ,9 vs 31,7 % ; p = 0,002). Des conséquences sur la santé gynécologique mais pas seulement Un peu plus de la moitié (56,4 %) des femmes ont été agressées verbalement, 46,3 % maintenues à terre. Dans 22 % des cas, elles rapportent avoir été droguées, dans 26,5 % des cas avoir subi des menaces physiques et dans 25,1 % des cas avoir été blessées. Ultérieurement, ces femmes ont plus souvent eu une première grossesse non désirée (30,1 vs 18,9 % ; Odds ratio ajusté ORa : 1,5, IC : 1,2-2,0) et ont moins souvent utilisé de méthodes de contraception (0,9 vs 2,6 % ; ORa : 1,0 ; IC : 0,7- 1,41). En outre, elles ont plus souvent souffert de maladies pelviennes inflammatoires (8,1 vs 3,4 % ; ORa : 2,2 ; IC : 1,5-3,4), d’endométriose (10,4 vs 6,5 %, ORa : 1,6 ; IC : 1,1- 2,31), de problèmes menstruels ou ovulatoires (27,0 vs 17,1 % ; ORa : 1,8 ; IC : 1,4- 2,3). Par contre, aucune association n’a été retrouvée avec la pratique du dépistage du cancer du col utérin ou du VIH. Les femmes ayant subi des violences sexuelles lors de leur premier rapport étaient en moins bonne santé, physique et/ou mentale et étaient plus souvent toxicomanes (2,6 vs 0,7 % ; ORa : 3,6 ; IC : 1,8-7,0). Ainsi, pour approximativement 3,3 millions de femmes US en âge de procréer (soit 1 sur 16), la première expérience sexuelle n’a pas été désirée. Le partenaire masculin agressif était généralement plus âgé, contrairement à ce qui est la règle dans les rapports volontaires. Ces femmes présentent des taux plus élevés de maladies ultérieures, dans des domaines divers de la santé gynécologique, reproductive, générale et fonctionnelle. Des études antérieures avaient déjà démontré un risque plus grand de maladies sexuellement transmissibles et de VIH. Les mécanismes par lesquels un premier rapport sexuel non volontaire est suivi d’effets délétères ne sont pas clairement établis. Pourrait intervenir l’âge lors de cette première relation, à un moment où les filles ou femmes présentent une vulnérabilité psychologique et physique majeure. Ce type de violence sexuelle est, de fait, à rapprocher de celles subies par des enfants, dont les conséquences néfastes sont bien établies. En second lieu, ces femmes sont à haut risque de victimisation sexuelle itérative, tout au long de leur vie. Il est à noter que, dans ce travail, le taux de rapports contraints était plus faible que celui rapporté dans une précédente étude de la National Survey of Family Growth qui, en 1995, faisait état d’un taux de 9,1 % chez les femmes âgées entre 15 et 24 ans. Au plan thérapeutique doivent être mis au point des outils permettant de cibler les femmes victimes, afin de tenter de traiter les séquelles de leur traumatisme et d’éviter toute « retraumatisation ». Des stratégies de santé publique doivent être développées au niveau national. A ce jour toutefois, force est de constater que la fréquence de ce type d’interventions reste modeste, avec des résultats aléatoires.

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