publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Risque

Publié le 13 déc 2022Lecture 4 min

Polluants environnementaux : des effets sur la fonction thyroïdienne des femmes enceintes ?

Isabelle MERESSE, Bordeaux
Polluants environnementaux : des effets sur la fonction thyroïdienne des femmes enceintes ?

Pendant la grossesse, l'euthyroïdie est indispensable au développement fœtal normal et même des altérations subtiles de l'homéostasie des hormones thyroïdiennes peuvent avoir un impact délétère sur la croissance du fœtus et la santé post-natale. Des données in vitro et in vivo suggèrent que l'exposition à des contaminants environnementaux pourrait perturber la signalisation des hormones thyroïdiennes en agissant sur la biosynthèse hormonale, l'activation/l'inactivation métabolique et les rétroactions négatives de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien.

 

Les phénols (dont le bisphénol A, BPA), les parabènes (utilisés dans certains cosmétiques, médicaments et aliments) et les phtalates (plastifiants retrouvés dans de nombreux produits de consommation courante) sont les plus suspects. Les travaux étudiant l’association entre ces polluants chimiques et les hormones thyroïdiennes au cours de la grossesse ont produit des résultats peu concluants.   Cette divergence peut être en partie attribuable aux différences de conception des études, aux faux positifs dus à des tests de comparaison multiples d'un grand nombre de produits chimiques et à une erreur de mesure, les études reposant sur un petit nombre d'échantillons biologiques malgré une forte variabilité intra-individuelle des concentrations de métabolites chimiques urinaires. Une équipe internationale a voulu préciser ces liens.   Une approche basée sur des hypothèses Les auteurs ont dans un premier temps identifié dans la base de données de résultats de tests toxicologiques in vitro ToxCast/Tox21, les polluants chimiques ayant une probabilité à priori plus élevée d'effets sur la fonction thyroïdienne, permettant de réduire le nombre de tests statistiques effectués et ainsi d’atténuer la probabilité de faux positifs. Dans un second temps, une biosurveillance urinaire élargie a été effectuée chez des femmes enceintes afin d’évaluer les associations entre les expositions aux phénols/phtalates identifiés et le taux des hormones thyroïdiennes sériques, à l’aide de régressions linéaires ajustées.   Une étude sur plus de 400 femmes enceintes La recherche dans ToxCast/Tox21 a permis de réduire le nombre de comparaisons statistiques de 19 %. La cohorte prospective SEPAGES (Suivi de l'Exposition à la Pollution Atmosphérique durant la Grossesse et Effets sur la Santé) a recruté 484 femmes enceintes dans la région de Grenoble entre 2014 et 2017. Cette analyse a été limitée aux 437 femmes (âge médian 32,2 [26,5-39] ans) qui n’ont pas déclaré prendre de médicament pour une pathologie thyroïdienne et dont les échantillons biologiques ont été prélevés pendant la grossesse. Les métabolites des phénol/phtalates ont été mesurés dans des pools d'échantillons d'urine prélevés sur une semaine au cours du 2e trimestre de grossesse (nombre médian : 21 échantillons/femme, délai médian : 17,7 semaines de gestation). Des prélèvements sanguins ont été effectués (délai médian : 19,1 semaines de gestation) pour doser les concentrations sériques de T3, T4 et TSH. Plusieurs composés impliqués La majorité des phénols et métabolites des phtalates ont été détectés dans plus de 83 % des échantillons d’urine recueillis, ce qui confirme que les participantes y étaient quasiment toutes exposées. Le propylparabène (utilisé comme conservateur dans l’industrie cosmétique, agroalimentaire et pharmaceutique) était négativement associé au rapport T3/T4 (β = −0,5 %, intervalle de confiance [IC] à 95 % : −0,9, −0,1 pour chaque doublement de la concentration de propylparabène). Ce composé avait également tendance à être négativement associé à la TSH (β = -1,4 % ; IC à 95 % : -2,8, 0,1) et à la T3 libre (β = -0,3 % ; IC à 95 % : -0,6, 0,0). Le monobenzyle phtalate (un métabolite du butylbenzyl phtalate utilisé notamment dans les plastiques de type PVC) était positivement associé à la T4 totale (β = 1,3 %, IC à 95 % : 0,0, 2,6) et négativement au rapport T3/T4. L'analyse reposant sur des biomarqueurs d'exposition catégorisés en tertiles a montré une association négative entre le BPA (utilisé entre autres dans la fabrication de plastiques) et la TSH dont le taux diminuait de 6,8 % (IC 95 % : -19,5, 7,8) et de 16,3 % (IC 95 % : -27,8, -3,0) au 2ème et au 3ème tertile de concentration par rapport au premier. Enfin, une modification de l'effet par le statut en iode a été détectée pour plusieurs composés. Au total ces travaux renforcent les connaissances sur les effets délétères de l’exposition à certains polluants chimiques sur la fonction thyroïdienne. Ils alertent également sur l’exposition fréquente de la population à ces polluants. Cette approche basée sur des hypothèses et ayant recours à des recueils d'urine répétés peut améliorer les recherches futures en particulier sur les conséquences sur la santé de l’enfant de l’exposition à certains polluants environnementaux, car des variations, même faibles, des niveaux d’hormones thyroïdiennes de la mère pendant la grossesse peuvent impacter le fœtus et son développement.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème